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L’horticulture, source de richesse

Author: Olaf van Kooten, Groupe de la chaîne de valeur horticole, Université de Wageningen, Pays-Bas

Date: 05/11/2008

Introduction:

L’industrie de l’horticulture dans le monde repose principalement sur une approche orientée « produit » : les producteurs s’efforcent de concevoir des produits à la fois attrayants et savoureux et tentent ensuite de les commercialiser. Bien qu’elle se soit avérée efficace à l’échelon local au cours des 20 derniers millénaires, cette approche ne semble plus correspondre à la réalité du présent dans la mesure où les grandes chaînes de détail s’approvisionnent dorénavant à l’échelle mondiale. Compte tenu de l’évolution des systèmes de production alimentaire, l’offre excède la demande dans la majorité des cas. Pour être compétitifs sur ce marché, les producteurs et les fournisseurs doivent être capables de marquer leurs différences par rapport à la concurrence. La différenciation doit être significative et perçue comme telle par les clients. Il convient donc de clarifier les attentes et l’appréciation de la satisfaction des clients, que ce soit dans le moment présent ou dans l’avenir.


 

L’horticulture : une chaîne logistique à valeur ajoutée

Dans la plupart des pays en développement, l’horticulture est généralement pratiquée par de petites exploitations familiales. En Chine, par exemple, une exploitation familiale moyenne est autorisée à cultiver environ 1 hectare (104 m2), alors que 81 % des exploitants agricoles kenyans disposent de moins de 2 hectares de terres agricoles. Ces exploitants vendent directement leurs produits aux consommateurs ou à des intermédiaires et des grossistes. Ils disposent d’un pouvoir de négociation quasiment nul et leurs produits ont tendance à se dégrader rapidement. Ils doivent faire face à la concurrence des exploitations voisines et la seule caractéristique qui différencie leurs produits est le prix. Si leur récolte est mauvaise, le manque de nourriture fera sentir ses effets la saison suivante. Il existe, en revanche, de grandes exploitations contrôlées essentiellement par de riches agriculteurs qui sont capables d’investir dans des moyens de production modernes et des technologies de traitement après récolte. Moins de 0,1 % des exploitants agricoles kenyans possède une exploitation de plus de 200 hectares. Ils vendent généralement leurs produits aux grandes chaînes de détaillants organisées à l’échelon mondial, qui souhaitent s’assurer de la mise en place d’un cycle d’approvisionnement suffisamment volumineux et fiable, conforme à toutes les normes établies par les pays importateurs.

Les produits sont certifiés par rapport à des normes reconnues au niveau international telles que Global GAP, ISO 9000 – 14000 – 22000, FQS, BRC, HACCP, Q&S, etc. Ces systèmes de certification reposent principalement sur des pratiques strictes en matière de gestion de la sécurité sanitaire des aliments, mais certains sont également axés sur la production durable ou même la production sociale et éthique. La plupart du temps, les grandes chaînes de détaillants exigent des engagements fermes en matière d’approvisionnement; les quotas doivent être strictement respectés dans les délais et aux dates prévus et être conformes aux spécifications indiquées. Il s’ensuit une dichotomie importante entre les petits et les gros producteurs. Ces derniers bénéficient d’un pouvoir de négociation considérable dans la mesure où ils peuvent court-circuiter les intermédiaires; certains prennent position sur le marché par le biais de leurs propres sociétés d’exportation et de logistique, détiennent parfois des parts dans des sociétés de commercialisation à l’étranger ou ont conclu des accords de partenariat commercial entre leurs sociétés. Ils ont la capacité de créer de la valeur et de tirer profit des revenus qui en découlent à une échelle économiquement viable. De son côté, le petit producteur s’investit à fond sur un marché où l’offre de produits se distingue uniquement en raison d’un niveau de prix plus faible que les concurrents. Par conséquent, les produits ne répondent pas aux besoins du marché à haute valeur ajoutée étant donné qu’ils ne remplissent pas les exigences relatives à l’obtention des certificats nécessaires : le montant requis pour l’attribution d’une certification est généralement trop élevé pour les petits producteurs. La question qu’il importe de se poser est alors de savoir s’il est possible de faciliter l’accès des petits producteurs au marché des produits horticoles à forte valeur ajoutée et dans quelle mesure la communauté S&T (en collaboration avec les gouvernements et les autres parties prenantes) peut les encourager à poursuivre leurs efforts.

Comment participer à cette chaîne logistique à forte valeur ajoutée - Les leçons tirées de l’expérience égyptienne

En Egypte, la communauté SEKEM constitue un exemple particulièrement significatif de pénétration des petits producteurs sur les segments à forte valeur ajoutée (le nom de SEKEM vient de l’interprétation d’un hiéroglyphe qui signifie « vitalité »). Cette initiative a été créée en 1977 pour promouvoir la coopération entre les producteurs de fruits et légumes issus de l’agriculture biologique. Elle a mis au point des programmes de formation pour permettre aux agriculteurs d’améliorer leurs connaissances et leur expertise en agriculture. SEKEM a créé des sociétés d’exportation et certifié l’ensemble de ses producteurs selon la norme EUREP-GAP. Ses sociétés d’emballage et autres prestataires en logistique répondent à toutes les exigences de la certification FQS / BRC et ses produits sont directement livrés aux grandes chaînes de détaillants en Europe. Il a fallu 30 années d’efforts, des ressources et des investissements considérables en temps et en énergie pour atteindre l’objectif fixé. Le directeur général de LBRA (société de produits issus de la bio agriculture) Egypte, une filiale de SEKEM spécialisée dans l’emballage et l’export vers l’Europe, a indiqué que l’une de ses préoccupations majeures était le manque de familiarité avec la situation locale (communication avec le personnel). Chaque fois qu’un problème se posait, on n’hésitait pas à faire venir par avion des consultants payés très chers, ce qui montrait une certaine dépendance à l’égard des sources externes de connaissances. Cependant, la clé de cette gestion consistait non seulement à mettre en place un modèle d’intégration horizontale des producteurs au sein de coopératives, mais aussi à établir des liens avec des sociétés d’export et de commercialisation.

L’intégration verticale constitue une manière d’ajouter de la valeur tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Toutefois, la mise en place d’une stratégie d’intégration verticale avant même de procéder à une intégration horizontale est vouée à l’échec dans la mesure où il convient avant tout d’assurer un volume potentiel de production suffisant. Mettre en exergue une démarche en faveur de l’agriculture biologique était par ailleurs un choix très judicieux étant donné que les produits bio constituent un marché en plein essor et que les volumes requis sont relativement peu importants. Cela étant souligné, le segment des produits bio revêt une certaine importance pour les consommateurs. Dès lors que les producteurs sont réunis en nombre suffisant pour exprimer leur soutien et qu’ils sont prêts à travailler en respectant les normes établies, il ne leur reste plus qu’à convaincre les producteurs de semences de leur vendre la matière première. Néanmoins, la participation à l’UPOV (Union internationale pour la protection des obtentions végétales) permettrait aux pays concernés de veiller au respect des dispositions réglementaires prévues par la convention. Il serait également possible de produire des matériels de reproduction certifiés de qualité dans des domaines d’intérêt commun en vue d’améliorer la production et de réduire les pertes de récoltes dues aux infestations. Aujourd’hui, les établissements de sélection semblent peu disposés à envoyer leurs matériels de reproduction les plus performants dans des pays où certains cultivars végétaux sont reproduits illégalement, et encore moins à envisager une reproduction d’espèces sous ces climats et dans ces sols de peur que la finalité même de tous les efforts consentis au développement de ces nouvelles cultures soit compromise par la reproduction illégale de leur matériel végétal. Dans ce contexte, il semble pour le moins contradictoire que les pays exigent un prix élevé pour un matériel de reproduction de qualité alors que la reproduction des végétaux sans licence préalable ne coûte pratiquement rien. Cela étant, les membres sont tenus de respecter les dispositions de la convention UPOV pour pouvoir bénéficier d’un matériel de reproduction de qualité. Tel est le fondement de la démarche qualité.

Conclusions

Afin d’aider les gouvernements régionaux à encourager la création de richesses en faveur des petits producteurs au sein de la filière horticole, il est recommandé de mettre en place les structures de gouvernance ci-après :

  1. promouvoir l’intégration horizontale des producteurs afin de créer une situation dans laquelle les producteurs se considèrent plus comme des partenaires que des concurrents. En unissant leurs forces, ils seraient suffisamment puissants et importants pour atteindre les niveaux de qualité et de connaissances requis et devenir des producteurs certifiés capables de répondre aux exigences du marché en termes de volume et de qualité.
  2. faciliter le transfert de connaissances vers les milieux de pratique - les producteurs doivent acquérir un savoir-faire leur permettant de produire en qualité suffisante et d’intégrer les chaînes d’approvisionnement mondiales.
  3. valoriser le développement d’une culture scientifique nécessaire à la résolution de problèmes pratiques (et par extension, établir un lien avec le transfert des connaissances ci-dessus) - dans les pays en développement, bon nombre d’institutions universitaires considèrent qu’ils occupent une place trop importante pour s’occuper des problèmes pratiques des petits producteurs.
  4. créer un environnement favorable pour répondre à la demande des marchés intérieurs et extérieurs - politiques gouvernementales ; mécanismes de crédit et de financement ; plates-formes d’innovation.
  5. créer un environnement favorisant les interactions entre l’industrie, l’éducation et le gouvernement - aider les petites entreprises à obtenir des droits de propriété intellectuelle (DPI) pour protéger leurs inventions, subventionner l’entrepreneuriat public-privé lorsque les DPI sont sous monopole des entreprises privées.
  6. approuver la réglementation prévue par la convention UPOV - afin d’obtenir du matériel de reproduction amélioré de la part des établissements de sélection et protéger les variétés indigènes à forte valeur ajoutée.

Ces structures ne sont pas faciles à mettre en œuvre et requièrent l’engagement et la persévérance à long terme d’un grand nombre d’acteurs, comme le montre l’exemple égyptien. Les efforts sont finalement récompensés puisque les fournisseurs peuvent répondre à la demande des marchés intérieurs et extérieurs. Autrement dit, ils sont en mesure de fabriquer régulièrement des produits haut de gamme pour satisfaire les attentes des consommateurs à l’échelon local et international.

Références bibliographiques

Kamau, F.K. A Kenyan experience on R&D efforts linking crop and livestock improvement, NRM and human health. Ministère de l’Agriculture, Nairobi, Kenya.

Lunning P.A., Marcelis W.J., Jongen W.M.F., 2002. Gestion de la qualité des denrées alimentaires, une démarche techno-managériale. Wageningen Press. pp 323

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05/11/2008