Knowledge for Development

Utilisation des races autochtones : améliorer le potentiel de reproduction des troupeaux laitiers des petits exploitants (article)

Author: Alastair G. Paterson, Paterson Agri-Services, Afrique du Sud

Date: 03/02/2014

Introduction:

Le besoin est pressant : il faut améliorer le potentiel de reproduction des vaches laitières dans les petites exploitations et augmenter le revenu des petits exploitants. Pour Paterson, le défi est clair: l'amélikoration de la prodcution laitière dans les systèmes de pâturage communautaire passe par l'introduction d'une génétique laitière et par la provision en plus grande quantité d'un fourrage de qualité.

Dans un système de pâturage communautaire, la norme pour les petits éleveurs en Afrique veut que la densité de peuplement du bétail sur les pâturages atteigne un niveau 300 % plus élevé que celle des éleveurs commerciaux. Avec ce taux de charge élevé, un équilibre est atteint lorsque le nombre de veaux nés est égal au taux de mortalité plus un prélèvement de 7 %. Le taux de conception est d’environ 30 % et la majorité du prélèvement est utilisée à des fins cérémonielles ; 1 à 2 % seulement sont commercialisés pour se procurer des espèces. En revanche, le taux de conception annuel pour les éleveurs commerciaux est de 90 % et le prélèvement de 30 % ou plus, le tout étant commercialisé.

Le bétail autochtone, par exemple le zébu d'Afrique orientale, ne comprend pas de races laitières (comme la Holstein et la Jersey). Il s’agit de petites vaches, d’un poids inférieur ou égal à 300 kg à maturité et produisant 6 litres de lait par jour, soit 4 litres pour le veau tandis que le reste est généralement utilisé pour la consommation du foyer. La sélection naturelle a créé cette petite vache à faible production laitière et nécessitant peu d’entretien, ce qui garantit sa survie, en particulier dans des conditions difficiles. La Holstein, une race imposante, produit des volumes importants de lait avec une alimentation intensive à base de maïs). La Jersey est une race plus petite, productive sur des pâturages herbeux. Selon Paterson, croiser la race Jersey, plus adaptée, avec les bovins locaux est préférable à l’utilisation des Holstein pour la production de races croisées. Les vaches laitières de race pure ont peu de chances de survivre dans le secteur communautaire.

La demande de lait est forte. Pour la satisfaire, il faudra non seulement améliorer les races de bétail adaptées aux conditions locales et produisant plus de lait, mais aussi garantir l’implication de la communauté scientifique, des systèmes efficaces de soutien à la vulgarisation, un environnement politique propice et des petits agriculteurs dotés de l'esprit d'entreprise nécessaire.

Lire l'article ci-bas et le rapport de synthèse ici.


 

Utilisation des races autochtones : améliorer le potentiel de reproduction des troupeaux laitiers des petits exploitants et maximiser les revenus potentiels

-

Alastair G. Paterson, Paterson Agri-Services, Afrique du Sud

-

En 1991, un directeur de l’International Livestock Commission for Africa (ILCA) a déclaré que « chez les petits exploitants agricoles en Afrique, les races autochtones produisent leur premier veau à l’âge de quatre ans et ensuite un veau tous les trois ans » (Philip Chigaru, 1991, communication personnelle). Cette déclaration constitue la base des arguments présentés dans cet article en faveur d’interventions visant à améliorer le potentiel de reproduction et la production laitière des petits producteurs laitiers en Afrique. Les éléments de démonstration fournis se fondent sur les années d’expérience professionnelle de l’auteur sur le continent africain.

Dans un système de pâturage communautaire, la norme pour les petits éleveurs en Afrique veut que la densité de peuplement du bétail sur les pâturages atteigne un niveau 300 % plus élevé que celle des éleveurs commerciaux. Avec ce taux de charge élevé, un équilibre est atteint lorsque le nombre de veaux nés est égal au taux de mortalité plus un prélèvement de 7 %. Le taux de conception est d’environ 30 % et la majorité du prélèvement est utilisée à des fins cérémonielles ; 1 à 2 % seulement sont commercialisés pour se procurer des espèces. En revanche, le taux de conception annuel pour les éleveurs commerciaux est de 90 % et le prélèvement de 30 % ou plus, le tout étant commercialisé.

Le bétail autochtone, par exemple le zébu d'Afrique orientale, ne comprend pas de races laitières (comme la Holstein et la Jersey). Il s’agit de petites vaches, d’un poids inférieur ou égal à 300 kg à maturité et produisant 6 litres de lait par jour, soit 4 litres pour le veau tandis que le reste est généralement utilisé pour la consommation du foyer. La sélection naturelle a créé cette petite vache à faible production laitière et nécessitant peu d’entretien, ce qui garantit sa survie, en particulier dans des conditions difficiles. Pendant les hivers secs, par exemple, en Afrique du Sud et au Swaziland, l’approvisionnement en lait offert par le bétail autochtone diminue encore ; les veaux sont très petits et il ne reste plus de lait pour la famille. En Oman et en Éthiopie, les veaux des petits éleveurs ont un poids de sevrage de 90 kg, tandis que, pour les veaux des éleveurs commerciaux, le poids moyen de sevrage est de 200 kg lorsque l’alimentation est correcte.

Le lait fournit de l'énergie, des protéines et d’autres substances nutritives, et s’avère extrêmement précieux pour aider à répondre aux besoins nutritionnels du ménage, ce qui entraîne une demande considérable de la part des communautés rurales. Cette demande ne peut être satisfaite que si la génétique laitière des races autochtones est améliorée tout en augmentant l’alimentation disponible. L’enjeu pour l’amélioration de la production laitière des petits éleveurs dans un système communautaire est ainsi clairement défini : il s’agira d’introduire une nouvelle génétique laitière et de fournir une alimentation dont la qualité et la quantité sont suffisantes pour que les vaches atteignent leur potentiel de reproduction et de rendement optimal.

Structure des troupeaux

Un petit éleveur possède en général 14 têtes de bétail comprenant 3 vaches, 1 veau, 1 veau sevré, 1 génisse, 1 génisse un peu plus âgée, 2 jeunes bœufs, 2 bœufs plus âgés et souvent 3 taureaux. Dans ce cas de figure, une vache en lactation produit 6 litres par jour, dont 4 litres vont au veau et 2 reviennent à la famille. Si cette structure pouvait être modifiée pour ne comprendre que 3 vaches en lactation, le fourrage consommé par les 11 autres têtes de bétail pourrait être utilisé au profit des 3 vaches. Ainsi, les génisses issues de croisements devraient être élevées dans une perspective commerciale en dehors de la zone communautaire, ou par les pouvoirs publics, avant d’être vendues dans la communauté. Ce procédé a été expérimenté en Afrique du Sud et est en cours de développement au Swaziland.

Génétique laitière et nutrition

Des quantités considérables de semence de taureaux de race laitière (principalement Holstein ou Jersey) sont à la disposition des petits éleveurs, que ce soit à titre gratuit ou contre rétribution. La Holstein, une race imposante (≥ 600 kg), produit des volumes importants de lait (40 litres par jour) avec une alimentation intensive (principalement à base de maïs). La Jersey est une race plus petite (400 à 450 kg), produisant quotidiennement 25 litres, généralement sur des pâturages herbeux. À l’évidence, la Jersey apparaît comme la race idéale pour créer un croisement avec du bétail autochtone en Afrique (encadrés 1 and 2).

box 1

Encadré 1

Une éleveuse kényane possède une vache issue d’un croisement entre zébu d'Afrique orientale et Jersey. Cette vache adulte pèse moins de 300 kg et n’est pas mise en pâturage. Cette éleveuse coupe quotidiennement du fourrage dans la zone de pâturage communautaire pour cette vache, un veau et une génisse d’un an. Elle a recours aux services privés d’un technicien pour l’insémination artificielle de sa vache. Cette dernière produit un excédent de 6 litres par jour par rapport aux besoins de sa famille et du veau. Cet excédent de lait est vendu localement et rapporte 6 dollars par jour. Les seuls coûts demeurant à sa charge sont imputables à l’insémination artificielle, et les recettes perçues sont pour l’essentiel des profits. La vache étant correctement nourrie, elle vêle chaque année et le revenu qu’elle fournit au ménage permet à cette famille de vivre au-dessus du seuil de pauvreté (Paterson, 1994).

Box 2

Encadré 2

Un éleveur du Swaziland entretient des relations amicales avec le Nduna (chef) local, et ce dernier lui a accordé le droit de clôturer 2 hectares de pâturage pour ses deux petites vaches croisées Jersey-Nguni. Pendant l’été, il fait paître ses vaches sur le pâturage communautaire et, en hiver, il utilise les 2 hectares et a recours à des compléments sous forme de 2 kg de ration concentrée. La demande de lait étant très forte dans les zones rurales, le prix qu’il perçoit est 40 % plus élevé qu’en ville. De plus, ses coûts sont très inférieurs à ceux de la ville, où le lait doit être pasteurisé, mis en bouteille et transporté. Ses vaches vêlent chaque année et sa marge bénéficiaire sur le lait vendu était de 1 300 dollars par an en 2005, soit une somme importante pour les zones rurales du Swaziland (Paterson, 2005).

Les petits éleveurs ne gardent généralement qu’une ou deux vaches à des fins productives et surtout sociales, et leurs foyers sont très disséminés dans les zones rurales. Le recours à l’insémination artificielle est coûteux dans ces conditions. En Éthiopie, un essai à grande échelle est en cours et teste la synchronisation de l'œstrus en rassemblant un grand nombre de vaches de petits éleveurs afin qu’elles soient inséminées par le biais d’une équipe dirigée par un vétérinaire ; d’un point de vue économique, il devient possible d’inséminer 200 vaches en une seule journée (Edmealem Shitaye, 2012, communication personnelle). L’essai initial mené en 2011/2012 a conduit à un taux de conception décevant de 13 %, alors qu’un deuxième essai en 2012 a abouti à un taux de conception de 60 %, équivalent à celui des producteurs commerciaux. À la fin 2012, 40 000 vaches avaient été inséminées par le biais de la synchronisation (K. Nigussie, 2012, communication personnelle).

La semence de la race Holstein est plus facilement disponible en zone rurale que celle des Jersey. Un croisement entre la Holstein et des vaches autochtones produit un veau plutôt petit qui pourra grandir jusqu’à devenir une vache de plus grande taille que les bovins autochtones. Certains, dont l’auteur, se demandent s’il ne serait pas préférable d’utiliser la race Jersey, plus petite, pour les croisements afin d’obtenir une vache similaire aux bovins autochtones de petite taille, communs à l’Afrique avec ses systèmes de pâturage communautaire, étant donné que les besoins alimentaires seraient probablement plus faibles (encadré 3).

box 3

Encadré 3

Les Holstein pure race ont fait l’objet d’une évaluation au Kenya. L’éleveur possédait trois vaches Holstein pure race de grande taille. Elles étaient autorisées à pâturer sur les prairies communautaires et se nourrissaient d’une grande quantité d’herbe à éléphant (Pennisetum purpureum). Un seul litre de lait par jour était réservé à la consommation du ménage. L’approvisionnement en fourrage était principalement destiné à l’entretien de ces vaches de grande taille, et non pas à la production de lait. En Éthiopie, où la semence de Holstein est largement utilisée, les vaches autochtones issues de croisements produisaient parfois davantage de lait mais elles recevaient également des quantités importantes de fourrage supplémentaire provenant de projets d’irrigation (Paterson, 2012).

Esprit d’entreprise et prise de risque

Les petits éleveurs sont très réticents à prendre des risques, de sorte que les interventions les exposant à un risque financier ont peu de chances de voir le jour. Plus important encore, bien que peu pris en compte, seuls 3 % des habitants des zones rurales sont doués de l’esprit d’entreprise nécessaire au changement. Dans des endroits tels que Johannesburg, en Afrique du Sud, et New York, aux États-Unis, des centres urbains qui attirent les entrepreneurs, l’esprit d’entreprise peut atteindre 11 % de la population, lesquels emploient la plupart des 89 % restants. Les interventions en zone rurale visant à apporter des changements doivent prendre en compte ce manque d’esprit d’entreprise. Cela pourrait nécessiter le recensement des personnes douées d’esprit d’entreprise afin de les aider à agir plus efficacement au sein du système communautaire ou à orienter leurs efforts là où il y a davantage d’opportunités commerciales.

Conclusion

Dans le système de pâturage communautaire, on constate une pénurie de fourrage nécessaire à l’amélioration du taux de reproduction des vaches. Cependant, très rares sont les petits éleveurs qui parviennent à remédier à cette pénurie au sein du système communautaire. Même lorsqu’une alimentation adéquate est disponible, la génétique laitière doit être améliorée afin d’accroître le potentiel de production laitière. Des races laitières peuvent être introduites parmi les bovins autochtones par le biais de l’insémination artificielle et, manifestement, la synchronisation de l'œstrus peut être utilisée pour améliorer ses résultats. Croiser la race Jersey, plus adaptée, avec les bovins locaux est préférable à l’utilisation des Holstein pour la production de races croisées. Les vaches laitières de race pure ont peu de chances de survivre dans le secteur communautaire.

Peu d’éleveurs en zone rurale ont suffisamment d’esprit d’entreprise pour tenter de faire évoluer le statu quo, et il serait peut-être nécessaire de les identifier et de les soutenir ou de leur permettre de s’installer dans des endroits où leur esprit d’entreprise peut s’exprimer pleinement.

Bibliographie

Paterson, A.G. 1994. Report on a Visit to Ethiopia, Kenya and Malawi. Internal Report to Stockowners Livestock Cooperative, Howick, Afrique du Sud.

Paterson, A.G. 2005. Livestock Policy Document for Golder Associates for the Lower Usuthu Smallholder Irrigation Project, Swaziland.

Paterson, A.G. 2012. Smallholder Dairy Development: Technical and Economic Evaluation of Oestrus Synchronisation in Ethiopia. Report for ACP-EU Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation. CTA Project Number 1-1-11-301-2. CTA, Wageningen, Pays-Bas.

Source de laphoto: Wikimedia.

Related documents:

03/02/2014

No Comments available.

Please log in to make your comment. In order to log in you may have to first register.