Knowledge for Development

La science, la technologie et l’innovation à l’échelle nanométrique

Author: Ishenkumba Kahwa

Date: 29/04/2008

Introduction:

Les ST&I à l’échelle nanométrique (STI-NANO) présentent un potentiel de développement considérable. Plaidant pour un engagement résolu des Etats-Unis en faveur du développement des STI-NANO, M. Newt Gingrich, ancien président de la Chambre des représentants américaine, a déclaré : « Entre le comportement quantique à l’échelle du nanomètre et la nanobiologie, je pense que nous vivons une période marquée par des bouleversements techniques plus profonds qu’ils ne l’étaient au cours 20ème siècle avec les percées de la physique (1)». S’exprimant devant le Congrès américain, Richard Smalley, prix Nobel de chimie et co-découvreur des fullerènes (nanotubes de carbone), a expliqué que « l’impact des nanotechnologies sur la santé, la richesse et le niveau de vie pour la population sera l’équivalent des influences combinées de l’électronique, de l’imagerie médicale, de l’ingénierie assistée par ordinateur et des polymères au cours du 20ème siècle (2)».


 

Les enjeux considérables liés à cette nouvelle révolution technologique stimulent l’intérêt stratégique et incitent à l’investissement massif dans le développement et la commercialisation de matériaux et procédés STI-NANO. Selon les estimations de la NNI (Initiative nationale des Etats-Unis sur les nanotechnologies), les dépenses globales en recherche-développement (R&D) dans le domaine des STI-NANO ont décuplé entre 1997 et 2005, pour atteindre 4 milliards de dollars EU (3). Etant donné les espoirs que suscitent les possibilités des transformations technologiques, tout semble indiquer que la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement des Nations Unies, notamment dans les pays pauvres en développement, repose sur leur capacité à mettre au point et commercialiser des systèmes, des dispositifs et des procédés STI-NANO. Le groupe de travail sur les ST&I du Projet du Millénaire des Nations Unies est optimiste à l’idée que les applications STI-NANO sont prometteuses pour relever les différents défis liés au développement, à savoir : disponibilité et utilisation des ressources hydriques et énergétiques, diagnostic et traitement des maladies, détection et destruction des organismes pathogènes des végétaux et des animaux, amélioration de la productivité agricole, d’une façon générale, de la production et du stockage des denrées alimentaires (4). La génomique, les biotechnologies et les plates-formes TIC actuelles combinées avec le pouvoir des STI-NANO renforcent encore les chances de parvenir à un développement socio-économique dans les pays en développement. Les pays ACP sont donc encouragés à réaliser des investissements délibérés et ciblés dans le domaine des STI-NANO.

2. STI-NANO : potentiel du marché et efforts déployés dans le monde

Selon Market Research (5), les perspectives de profit sur un certain nombre de produits STI-NANO sont prometteuses, si l’on tient compte de leur valeur annuelle réelle et potentielle en milliards de dollars EU : nanoélectronique - entre 1,827 (2005) et 4,2 milliards de dollars (2010) ; nanoaliments - 20,4 milliards de dollars (2010) ; nanotextiles - entre 13,6 (2007) et 1154 milliards de dollars (2012) ; nanooutils - entre 0,9 (2008) et 2,7 milliards de dollars (2013). Compte tenu du fort potentiel identifié, les Etats-Unis ont lancé en 2001 une initiative stratégique dans le domaine des STI-NANO (6). De son côté, l’UE a décidé de recentrer son initiative stratégique en vue d’affirmer un leadership mondial en matière de développement économique : une perspective de recherche directement orientée vers les technologies de l’information, notamment dans le domaine de la nanoélectronique, et nourrie d’un investissement de 3 milliards d’euros au cours des 10 prochaines années (7).
En 2007, l’Afrique du Sud a rigoureusement planifié et organisé le Congrès mondial sur la nanoéconomie (WNEC) (8). C’est dire l’engouement que suscite la recherche en STI-NANO dans ce pays. Ce Congrès a été l’occasion de présenter les réalisations avant-gardistes dans le domaine des STI-NANO aux entrepreneurs locaux, aux responsables politiques et aux chercheurs. La Chine confirme son rôle central dans ce domaine en initiant et organisant, en 2005 et 2007, une série de conférences internationales consacrées aux nanosciences et aux nanotechnologies (9). Ces conférences permettent non seulement d’avoir accès aux connaissances de pointe dans le domaine des STI-NANO, mais aussi de consolider et renforcer la participation des communautés d’accueil à l’évolution de ces connaissances. Le choix de Bangalore, Kolkatta et Mohali comme sites d’implantation des nouveaux centres STI-NANO indique clairement que l’Inde mesure parfaitement le potentiel économique (10) de ce marché, qu’il est impératif de promouvoir et d’exploiter. En 2000, le Brésil a pris conscience du fort potentiel économique de ce secteur. C’est ce qui l’a amené, en 2004, à intégrer les STI-NANO dans le plan national de développement pluriannuel (2004-7) (11). Selon Z.G. Khim, président de la Korean Nano Researchers’ Association (12), la Corée a commencé à investir raisonnablement dans les STI-NANO et réalise quelques retours sur investissement intéressants. Par ailleurs, Singapour, la Corée, le Japon ainsi que les pays de l’OCDE progressent fortement dans le domaine des STI-NANO (13).
La liste des principaux pays qui contribuent à l’enrichissement des connaissances en matière de STI-NANO associe un harmonieux mélange entre pays en développement et pays développés ; seuls les pays ACP manquent à l’appel. Le nombre d’articles sur les STI-NANO dans les journaux couverts par le site ISI Web of Knowledge ne fait qu’augmenter (figure 1). La figure 2 indique les pays qui se sont engagés à soutenir un effort continu en faveur de la recherche STI-NANO. La République populaire de Chine est suivie par les Etats-Unis et le Japon.

Figure 1 : Mise en circulation d’articles scientifiques représentatifs des recherches dans le domaine des nanosciences et des nanotechnologies

Figure 2 : Pays contribuant à la mise en circulation d’articles scientifiques représentatifs des recherches dans le domaine des nanotechnologies - 2001-2008 (Données recueillies et traitées sur le site ISI Web of Knowledge) (14).

3. Les propriétés inhabituelles de la matière à l’échelle nanométrique

Le comportement des matériaux et des dispositifs à l’échelle du nanomètre est extrêmement diffus, complexe et différent. Le véritable potentiel des STI-NANO réside dans la possibilité de pouvoir manipuler et contrôler ces propriétés inhabituelles et leurs interactions avec la matière. Certains matériaux nanostructurés sont plus résistants qu’ils ne l’étaient auparavant à base de composés multiples. A titre d’exemple, on sait à présent que les matériaux osseux et dentaires sont pour l’essentiel composés de nanoparticules d’hydroxyapatite cristalline (Ca10(PO4)6(OH)2)) dispersées dans des fibrilles collagéniques et utilisées pour produire un matériau biologique encore plus résistant (D. Nicollela (15)). En raison du confinement quantique des propriétés électroniques des nanoparticules, le comportement physique de la matière, tel que la couleur de la lumière absorbée ou émise, dépend de la dimension des éléments, comme le montre la figure 3 (boîtes quantiques de séléniure de cadmium (CdSe) ou de tellure de cadmium (CdTe) de dimensions particulaires différentes) (16).

Figure 3 : Une constellation de couleurs de la lumière émise par des points quantiques. L’augmentation de la dimension particulaire des points quantiques modifie l’intensité de la longueur d’onde de lumière émise.

Une équipe de chercheurs de l’Université de Californie Riverside a découvert que des nanocrystaux d’oxydes de fer (Fe3O4) recouverts d’un polymère chargé (acide polyacrylique) peuvent, en dispersion dans l’eau, former un assemblage colloïdal superparamagnétique. En ajustant la valeur du champ magnétique appliqué, ou en variant sa force, on induit ainsi un changement de couleur de l’ensemble (figure 4).

Figure 4 : Sur cette illustration, on observe que la solution d’oxyde de fer (Fe3O4) en suspension dans l’eau change de couleur sous l’influence d’un champ magnétique. De gauche à droite, la puissance du champ est augmentée. Crédit photo : Laboratoire Yin, Université de Californie Riverside (17).
On peut ainsi penser que ce type de système photonique (applications des points quantiques et des particules colloïdales) pourrait être adapté à la fabrication d’écrans de grandes dimensions, au diagnostic biomédical et à l’imagerie. Un bon exemple d’application dans ce domaine : l’efficacité et l’utilité des points quantiques pour la détection de protéines, notamment dans le domaine de la protéomique et d’autres disciplines de la biologie moléculaire (figure 5).

Les outils de coupe contenant des nanomatériaux à base de tungsten, titane et carbures de tantale sont beaucoup plus durs, plus résistants à l’abrasion et à l’érosion et durent plus longtemps que ceux fabriqués à partir de matériaux multiples (18). Le cuivre nanocristallin pur présente une limite d’élasticité supérieure à 400 Mpa, c’est-à-dire six fois plus que pour le cuivre à gros grains (19).
Outre les matériaux aux propriétés physiques intéressantes, des nanoconteneurs de formes variées ont été mis au point et devraient être utilisés comme systèmes de nano-administration pour toutes sortes d’applications essentielles, notamment dans le domaine biomédical. Les structures étonnantes des nanotubes de carbone (figures 6 et 7) ont été longuement étudiées puis dérivatisées pour les rendre solubles dans différents solvants ou les adapter pour être utilisées dans divers champs d’application (y compris les applications biomédicales) (20).

Figure 6 : Structure des nanotubes de carbone : nanotube monoparoi (gauche) et nanotube multiparois (droite). Copyright : Alain Rochefort, Professeur assistant au Département de génie physique, Groupe nanostructures, Centre de recherche en calcul appliqué (CERCA) (21).


Figure 7 : Interprétation de nanotubes fonctionnalisés par insertion de médicaments. Prato M, Kostarelos K & Bianco A, Accounts of Chemical Research 41, 1, 60 (2008). Copyright : American Chemical Society 2008 (22).

4. Développements STI-NANO dans le domaine agricole et médical

Les protéines et l’ADN sont, en règle générale, des nanostructures dotées d’une remarquable efficacité de régulation ou de facilitation des fonctions biologiques. Par conséquent, même si des avancées intéressantes et des applications potentielles liées aux STI-NANO ont déjà vu le jour dans les domaines de la chimie, la physique et l’ingénierie, ces nanostructures possèdent de très sérieux atouts pour développer une interface de qualité avec la biologie et la médecine. Les efforts déployés dans le domaine de la recherche en physique, chimie et ingénierie à l’échelle du nanomètre se sont concrétisés par la découverte, la fabrication et le développement de nouveaux matériaux et de nouvelles méthodes particulièrement efficaces pour diverses applications biologiques. Il convient d’illustrer par quelques exemples l’impact que pourraient avoir les STI-NANO sur le plan biologique et biomédical : 1) les nanocapteurs - utilisés pour la détection de pathogènes dans l’organisme et capables de libérer des médicaments pour les supprimer ; 2) l’imagerie moléculaire ; 3) l’analyse quantitative ; 4) l’intégration de l’analyse quantitative et de l’imagerie moléculaire dans les systèmes TIC ; 5) la modélisation physique d’une cellule en tant que machine ; et 6) l’amélioration des tests ex-vivo et des techniques actuelles de laboratoire. Les deux domaines ci-après sont analysés brièvement afin d’illustrer les défis et les possibilités nouvelles proposés par les STI-NANO.

4. 1 Les nanocapteurs
Dans les domaines de l’agriculture et de la médicine, il est nécessaire de détecter rapidement les micro-organismes indésirables, les biomolécules pathologiques ainsi que les déséquilibres biochimiques des végétaux et des animaux avant qu’ils n’aient pu provoquer des dégâts biologiques considérables. Une fois les maladies végétales, animales et humaines ou les problèmes de santé potentiels identifiés, il convient de prendre rapidement les mesures qui s’imposent pour détruire les microbes invasifs ou réparer l’équilibre biochimique et physiologique. La mise en œuvre d’un autodiagnostic et d’un autotraitement peut s’avérer encore plus appropriée. Il est établi qu’au niveau biomoléculaire, la combinaison de capteurs nanophotoniques ou électrochimiques avec des nanoconteneurs capables d’encapsuler et de délivrer des médicaments offrent un immense potentiel d’amélioration en termes de productivité agricole, sécurité alimentaire et sécurité sanitaire des aliments, santé publique et soins médicaux. Un certain nombre de matériaux et dispositifs de ce type ont déjà été mis au point. Hormis les nanotubes, un autre exemple plus récent est la nano-navette biomimétique moléculaire (figure 8) :


Des nanosystèmes capables de surveiller les taux de glycémie, mais aussi d’envoyer un signal vers un nano-actionneur qui injecterait dans le sang une quantité appropriée d’insuline permettraient d’améliorer la qualité de vie des diabétiques ; des exemples de ces différents types de dispositifs sont largement diffusés sur Internet.
La conception d’un nanosystème permettant de détecter des cellules cancéreuses ou des bactéries, puis de les éliminer sélectivement, représenterait une avancée prodigieuse. Des chercheurs chinois ont récemment effectué une démonstration de faisabilité novatrice pour contrôler la conformité d’un tel produit (figure 9). Le bisulfure de cobalt (CoS2) peut être assemblé en nanostructures, creuses en leur centre, dans lesquelles il est possible de confiner des alliages platine-fer (FePt). Le platine et le fer pénètrent dans la cellule par transport actif et sont oxydés en Pt2+ et Fe3+ respectivement ; le Pt2+ est attiré vers les brins d’ADN endommagés, les détruit (de façon inexpliquée) et sort de la cellule en laissant un ADN sain derrière lui. Ce procédé délivre de biens meilleurs résultats que ceux obtenus avec le cisplatine, médicament de référence pour lutter contre le cancer. Qui plus est, il permettrait de détecter les pathogènes (pouvant causer des maladie) et les cellules cancéreuses présentes en très faibles quantités avant que des symptômes de maladie n’apparaissent.

Figure 9 : Destruction de bactéries ou d’ADN endommagé par des cellules cancéreuses au moyen d’un nanosystème contenant des particules FePt dans la nanocavité du cobalt CoS2. Copyright : American Chemical Society. Gao et al. Journal of the American Society, 129, 1529 (2007). Copyright : American Chemical Society 2007.

Des chercheurs de l’Université Clemson ont expérimenté des nanoaliments pour volailles contenant des nanoparticules enrobées et qui permettent d’attirer et de détecter les pathogènes ; ce procédé immobilise les organismes pathogènes et facilite leur excrétion de l’animal, contribuant ainsi à éliminer les micro-organismes (tels que la salmonelle et les E. coli) présents dans la volaille, sauver des vies et compenser un certain manque à gagner.

4.2 Imagerie moléculaire
Afin de mieux diagnostiquer et traiter les maladies, il est essentiel de pouvoir appréhender la dynamique des procédés et dispositifs biologiques à l’échelle nanométrique ainsi que la manière dont ils sont intégrés dans chaque cellule pour activer/réguler la fonction physiologique et envisager une homogénéité intra- et intercellulaire de réponse à divers stimuli. Afin d’élaborer des nanodispositifs fonctionnels utilisés en imagerie biomoléculaire, il serait possible d’envisager une combinaison efficace de capteurs biomoléculaires, de dispositifs électromécaniques, d’algorithmes de traitement de signaux en temps réel, un espace tridimensionnel et des systèmes TIC pour les gérer. Le constat selon lequel les techniques généralement utilisées, comme l’imagerie par résonance magnétique ou la tomographie par émission de positons et les ultrasons - outre la méthode FRET (transfert d’énergie entre molécules fluorescentes) qui permet de déterminer la part de transfert d’énergie entre des composants électroniques actifs dont la résolution spatiale est comprise entre 1 et 10 nm - ne permettent pas d’atteindre un pouvoir de résolution de l’ordre du nanomètre témoigne non seulement du défi à relever, mais nous incite à orienter la recherche vers les nanotechniques analytiques. Ceci étant, la microscopie à force atomique est une alternative qui paraît des plus prometteuses.

5. Questions d’éthique et de sécurité en matière de STI-NANO

Tout en admettant le potentiel très prometteur des STI-NANO, le développement des nanomatériaux, et leur utilisation à grande échelle (notamment dans la production, la transformation et le stockage des denrées alimentaires ou des produits de beauté), est un sérieux motif de préoccupation et d’incertitude pour le grand public. Dans ce contexte, et face à la peur de l’inconnu, tout porte à croire que les effets néfastes des nanomatériaux pour la santé de l’homme ou de l’animal (si minimes soient-ils) provoqueront une forte anxiété dans tout le secteur. Prenons l’exemple d’un produit de grande consommation : un aérosol contenant des nanoparticules, conçu pour protéger et faciliter le nettoyage des surfaces traitées, a fait l’objet d’un rappel à la suite de plaintes déposées pour raisons de fièvre, toux, mal de tête et œdème pulmonaire, après deux ans sur le marché (23). La similarité qui existe entre les structures fibreuses de l’amiante et des nanotubes de carbone, notamment après qu’une intoxication ait été notée chez les souris, a également suscité un flot d’inquiétudes (Warheit et al Toxicol. Science 77, 117 (2004) (24). Même si les rumeurs concernant les effets néfastes des nanomatériaux sont peu nombreuses, tout comme le nombre de nanoproduits actuellement sur le marché par ailleurs, il conviendra de placer les préoccupations relatives à la santé et à la sécurité d’une nano-industrie émergente très haut sur l’agenda de recherche et au centre des débats auxquels les citoyens assistent. Les questions d’éthique et de sécurité devront être examinées et tranchées.
Les principales questions concernant la sécurité sont les suivantes : a) les nanoparticules sont tellement petites qu’elles pourraient s’infiltrer de manière inédite dans certains organes ou parties du corps humain ; b) les propriétés physiques et chimiques de la matière sont tellement inhabituelles, diffuses et complexes à l’échelle atomique et moléculaire qu’il est difficile de prévoir les résultats de leur interaction avec les tissus et organes humains. D’autre part, certaines questions éthiques qui se posent semblent préoccupantes : a) Qui peut tirer le meilleur parti du potentiel colossal des STI-NANO ? Les pays en développement et les populations défavorisées seront-ils tenus à l’écart ? b) Comment passer du stade de l’expérimentation à la mise sur le marché ? c) Le public sera-t-il invité à faire connaître son avis sur la question ? d) En quoi cela va-t-il affecter les droits démocratiques et les valeurs fondamentales des citoyens ? Les nanotechnologies pourraient-elles tuer définitivement la démocratie ? La commercialisation des nanoproduits suscite de nombreuses interrogations auxquelles il conviendra de répondre. Tout semble donc indiquer que le succès des STI-NANO passe par un renforcement des capacités en matière de ST&I et d’éthique. Il est encourageant de noter, par ailleurs, que les pays en développement ont adopté cette approche à l’appui de leur stratégie de développement dans ce domaine (25).

6. STI-NANO : Quelles perspectives pour les pays ACP ?

Les STI-NANO constituent à l’évidence une plate-forme technologique susceptible de transformer en profondeur la société humaine toute entière. Les développements STI-NANO pourraient avoir des répercussions sur la santé humaine, l’économie, l’agriculture, l’environnement, la sécurité ainsi que la croissance et la pérennité économique. Il faut espérer que ces effets seront dans l’ensemble positifs, en dépit des inquiétudes récentes sur les questions d’éthique et de sécurité. Le groupe de travail sur les ST&I du Projet du Millénaire pour le développement encourage vivement la communauté ACP à s’ouvrir un nouvel avenir en tirant parti des possibilités offertes par les STI-NANO et en réalisant au plus vite les investissements nécessaires en ce sens. Travailler à une échelle nanométrique signifie que les quantités de matières premières utilisées sont beaucoup plus faibles qu’à l’ordinaire, ce qui permet non seulement de réduire la pression sur les ressources naturelles, les quantités de déchets déversés dans l’environnement et les consommations en énergie et en eau (contribuant ainsi au développement durable), mais aussi de fluidifier les mécanismes de paiement pour les services environnementaux. On s’accorde à reconnaître que les progrès en matière de STI-NANO permettraient d’améliorer le mode d’utilisation des terres pour produire sur de petites parcelles la quantité d’aliments nécessaire et qu’un meilleur diagnostic des maladies permettrait d’augmenter l’espérance de vie et d’améliorer dans l’ensemble la qualité de vie au quotidien.
A l’échelle nanométrique, la disponibilité des matières premières ne s’impose pas vraiment comme une contrainte. Par conséquent, les pays ACP ne doivent pas se limiter à promouvoir un système de recherche-développement axé exclusivement sur les besoins en matières premières. Il est important pour les pays ACP d’établir des droits de propriété intellectuelle en matière de STI-NANO dans divers domaines et de mettre en place une économie fondée sur la connaissance. Tout en cherchant à se doter d’un pôle performant de recherche-développement sur les STI-NANO, les pays en développement pourraient favoriser la coopération avec leurs homologues d’autres parties du monde et les institutions des pays développés. Peu de voix se sont élevées pour les exhorter à prendre part immédiatement à cette évolution révolutionnaire des STI-NANO (voir l’ouvrage de Whitesides G, intitulé « Nanotechnology : Societal Implications - Maximizing benefits for humanity » (Rapport de la NNI - 2 et 3 décembre 2003, page 39 (26)). Les pays ACP ont tout intérêt à nourrir leur dialogue sur les stratégies de développement Sud-Sud, Sud-Nord et Sud-Nord-Sud. C’est une nécessité particulièrement urgente dans la mesure où ces pays, qui souhaitent affirmer leur identité économique à travers les STI-NANO, accusent un retard considérable sur le plan des capacités institutionnelles et qu’ils tardent à intégrer les STI-NANO dans leurs stratégies de développement. A ce jour, les Etats-Unis, l’Europe et le Japon représentent à eux seuls 78 % des investissements dans les STI-NANO; le reste du monde détient 22 % des parts de marché et devra songer à combler son retard dans un futur proche (27).
Le véritable problème des pays ACP réside dans leur capacité à déterminer dans quelle mesure les ST&I permettront d’éclairer la voie vers un avenir économique plus brillant. Il est essentiel que les pays ACP commencent à investir sans complexe dans les ST&I, quand bien même ils restent confrontés à des demandes légitimes visant à accroître les investissements dans l’éducation, les soins de santé et les infrastructures (routes, électricité, eau et TIC), et ce en dépit du manque de ressources disponibles. Pour autant que les bailleurs de fonds soutiennent cet effort d’investissement dans les ST&I et qu’ils consentent à favoriser les investissements dans quelques domaines porteurs d’avenir, les pays ACP seront en mesure de renforcer suffisamment leurs capacités pour poursuivre leur percée dans le domaine des ST&I, et plus particulièrement les STI-NANO. Il conviendra, en outre, de constituer un « pool » de spécialistes en communication (en étroite relation avec les médias et les services publics) capables de comprendre la dynamique des ST&I et de présenter au grand public le potentiel de développement économique lié aux STI-NANO de manière appropriée, compétente et objective pour lui faire prendre conscience que les nanotechnologies sont porteuses à la fois de vastes possibilités et de risques.

Ishenkumba Kahwa est professeur de chimie supramoléculaire et chef du département de chimie à l’Université des Antilles (campus Mona), en Jamaïque.

Notes

  1. http://www.wtec.org/loyola/nano/NSET.Societal.Implications/
  2. http://www.foresight.org/Updates/Update37/Update37.1.html
  3. http://www.nano.gov/nni_societal_implications.pdf
  4. http://www.unmillenniumproject.org/documents/Science-complete.pdf, pg. 69
  5. http://www.marketresearch.com/product/display.asp?productid=1324644&SID=48696894-409888317-445212675&kw=nanotechnology
  6. http://www.nano.gov/
  7. http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/08/284
  8. http://www.world-nano.com/southafrica/
  9. http://www.chinanano.org/
  10. http://www.nanowerk.com/news/newsid=3591.php
  11. http://www.nanowerk.com/spotlight/spotid=767.php
  12. http://mri63.adtech.icair.org:7777/pls/portal/docs/PAGE/IVIPG/f_info/report/Khim-SNU-Korear.pdf
  13. http://www.berr.gov.uk/files/file25254.pdf
  14. http://apps.isiknowledge.com/WOS_AdvancedSearch_input.do?product=WOS&SID=R2O@kFjM2@8iJOeL8OO&search_mode=AdvancedSearch#
  15. http://www.swri.edu/3pubs/ttoday/fall98/bone.htm
  16. http://www.rsc.org/chemistryworld/News/2005/September/19090501.asp
  17. http://www.newsroom.ucr.edu/cgi-bin/display.cgi?id=1628
  18. http://www.azom.com/details.asp?ArticleID=1066
  19. http://www.nature.com/nature/journal/v419/n6910/full/nature01133.html
  20. http://www.nanotech-now.com/nanotube-buckyball-sites.htm
  21. http://www.nanotech-now.com/nanotube-buckyball-sites.htm
  22. http://pubs.acs.org/cgi-bin/sample.cgi/achre4/2008/41/i01/pdf/ar700089b.pdf
  23. http://pubs.acs.org/cen/news/84/i15/8415nanotech.html (Also appeared in print April 17, 2006, p. 10).
  24. http://toxsci.oxfordjournals.org/cgi/reprint/77/1/117
  25. http://www.nano.gov/NNI_Strategic_Plan_2007.pdf
  26. http://www.nano.gov/nni_societal_implications.pdf
  27. http://www.marketresearch.com/product/display.asp?productid=1324644&SID=48696894-409888317-445212675&kw=nanotechnology
29/04/2008