Knowledge for Development

Innovation : des connaissances au service du développement

Author: Calestous Juma et Yee-Cheong Lee

Date: 10/04/2013

Introduction:

Par Calestous Juma et Yee-Cheong Lee   

 Coprésidents du groupe de travail du Projet du Millénaire des Nations unies sur les ST&I  

Dans ce nouvel article de fond, le professeur Calestous Juma, de l’Université d’Harvard, et le professeur Yee-Cheong Lee (UNESCO), font le point sur les progrès réalisés depuis la publication du rapport du groupe de travail du Projet du Millénaire des Nations unies sur les ST&I. En 2005, le groupe de travail a publié le rapport intitulé « Innovation : des connaissances au service du développement ». Ce rapport met en exergue un certain nombre de moyens permettant de privilégier l’application des ST&I pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Selon les auteurs, le rapport a joué un rôle catalyseur pour témoigner de l’importance des ST&I comme un des grands piliers du développement économique. 

Auparavant, ce concept était pertinent uniquement dans les pays industrialisés, mais jugé peu fiable dans les pays en développement. Il n’était pas non plus une priorité des Nations unies, qui le considéraient d’ailleurs comme « la cible 18 de l’objectif 18 – la toute dernière cible du tout dernier objectif ». Or, la situation a fortement évolué changé et l’approche des systèmes d’innovation, basée sur les infrastructures, la formation technique avancée et l’entrepreneuriat, a été présentée comme un cadre de référence pour la réflexion et l’action. Si le concept de ST&I au service du développement a pris beaucoup d’ampleur, les auteurs estiment néanmoins qu’il reste encore beaucoup à faire dans les pays en développement pour s’assurer que les ST&I contribuent à réduire la faim et la pauvreté, mais aussi à lutter contre l’analphabétisme, les problèmes de santé et les bouleversements politiques et sociaux.  


 

Innovation : des connaissances au service du développement  

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Par Calestous Juma et Yee-Cheong Lee, co-présidents du groupe de travail sur la Science, la Technologie et l’Innovation du Projet Objectifs du Millénaire des Nations-Unies 

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En 2005, le groupe de travail sur la Science, la Technologie et l’Innovation du Projet Objectifs du Millénaire des Nations-Unies a présenté son rapport Innovation : des connaissances au service du développement. Ce rapport décrivait comment la science, la technologie et l’innovation pouvaient être mises à contribution afin de réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) des Nations-Unies. Depuis sa publication, le rapport a fortement contribué à sensibiliser le monde entier au rôle des sciences, de la technologie et de l’innovation (STI) dans le développement. Avant cela, les STI pour le développement économique n’étaient considérées importantes que pour les pays industrialisés exclusivement, dans le meilleur des cas, et étaient souvent ouvertement découragées dans les pays en développement.

Afin de mesurer l’impact du rapport, il importe d’apprécier son historique diplomatique et la base législative sur laquelle il a été élaboré. L’ONU a d’abord fermé son unique « centre scientifique et technologique pour le développement » en 1993. Depuis lors, il n’existait dans les faits plus aucun acteur susceptible de défendre l’innovation pour le développement sur la scène diplomatique mondiale. Le groupe de travail a quant à lui reçu un mandat aux contours assez vagues, issu des OMD et consistant en ces simples termes « En coopération avec le secteur privé, mettre les avantages des nouvelles technologies, en particulier des technologies de l'information et de la communication, à la portée de tous ». Et comme pour souligner davantage que les STI ne représentaient pas une priorité pour l’ONU, le court briefing du groupe de travail renvoyait directement à la cible 18 de l’objectif 8 : la toute dernière du tout dernier.

Le défi pour le groupe de travail consistait non seulement à mettre en exergue le rôle des STI dans le développement, mais aussi à les redéfinir au-delà de l’investissement pur et simple dans la recherche et le développement (R&D). Concrètement, un cadre de réflexion et d’action devait être établi. Le groupe de travail a proposé une approche des systèmes d’innovation abordant les problèmes d’infrastructure, de mise à niveau de la formation technique et de l’entrepreneuriat. Le principe directeur était que le développement est un élément de l’apprentissage social. En se fondant sur cette approche pragmatique et en rejetant toute approche idéologique, le rapport a jeté les bases pour une meilleure reconnaissance des STI comme élément central du développement.

Ces approches sont à présent largement acceptées et prises en considération dans les fonctions et structures de bon nombre de ministères de par le monde, qui recourent parfois à des appellations mentionnant explicitement l’innovation. Le principe d’innovation pour le développement s’intègre désormais dans le mandat sans cesse élargi de nombreuses agences de développement international. Des organes comme l’Union africaine ont tenu des sommets spéciaux consacrés aux STI et adopté une série de décisions faisant partiellement écho à certains aspects du rapport. Plusieurs agences de l’ONU ont également publié des rapports phares sur l’innovation et le développement. S’il est clair que le groupe de travail ne saurait s’arroger le mérite exclusif de cette évolution dans la réflexion sur le développement, le rapport a de toute évidence eu un effet catalyseur en faveur d’idées porteuses que l’on considérait auparavant comme pertinentes pour les pays industrialisés uniquement. De nouvelles idées, comme le conseil scientifique et technologique et la diplomatie scientifique et technologique, sont de plus en plus adoptées par les pays en développement.

Le rapport a permis de faire avancer le dossier des STI. Davantage de pays ont pris confiance en leur capacité à rechercher à l’intérieur comme à l’extérieur ce qui peut être appliqué dans l’immédiat, au lieu d’être paralysés par l’incertitude quant aux bienfaits à long terme de la R&D. Enfin, loin de se cantonner à son sujet initial, c’est-à-dire les technologies de l’information et de la communication (TIC), le rapport a examiné le rôle potentiel d’autres plate-formes technologiques comme la biotechnologie, la nanotechnologie et la technologie des nouveaux matériaux.

Le meilleur moyen pour les gouvernements de tenir la promesse de l’innovation pour le développement est de reconnaître les liens existant entre divers acteurs et d’instaurer des mécanismes consultatifs idoines pour les chefs d’État ou de gouvernement. Les chefs d’État et premiers ministres de plusieurs pays industrialisés recourent aux services de conseillers scientifiques et en innovation. Leur intervention a monté son efficacité en Inde et en Malaise, mais ce service crucial reste balbutiant dans bien des pays en développement. Les hauts conseillers scientifiques et en innovation auprès des chefs d’État et premiers ministres sont devenus aussi indispensables que leurs confrères spécialisés en matière économique.

Mais s’entourer de conseillers ne suffit pas. Les gouvernements doivent être prêts à mettre à disposition les ressources nécessaires, telles que les infrastructures de base et les budgets, qui soient à même de maintenir la structure ainsi que d’assurer la supervision nécessaire afin que celles-ci soient exploitées au mieux.

De nombreux pays à revenus faibles et moyens ont remis en cause la campagne menée dans les années 90 par la Banque mondiale contre l’investissement dans les infrastructures. Ils encouragent le concept d’infrastructures conçues, construites et entretenues à l’intérieur de leur territoire, par exemple en ce qui concerne l’énergie, l’eau, les TIC, les transports, ainsi que les écoles et hôpitaux dans les zones rurales et reculées. Cependant, l’enthousiasme nouveau dans ces pays pour l’investissement dans les infrastructures de base a souvent connu l’écueil des mégaprojets, en totale inadéquation avec leur degré de développement.

Les pays à revenus faibles et moyens, en particulier les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), démontrent une volonté commune de coopérer sur les questions des STI. Voilà en somme une manifestation de l’évolution du paysage diplomatique international à l’ère de la mondialisation.

Les sciences et l’innovation resteront d’importants moteurs de coopération dans ces pays, qui représentent également d’importantes sources d’innovations institutionnelles destinées à soutenir l’application de la technologie dans le développement. L’Éthiopie a ainsi créé une « Agence de la Transformation agricole », dont la structure et les fonctions ressemblent à celles de l’Entreprise brésilienne de recherche agronomique et d'élevage (EMBRAPA). On peut également citer le Centre international des sciences, de la technologie et de l’innovation pour la coopération sud-sud (International Science Technology and Innovation Centre for South-South Cooperation - ISTIC), établi sous les auspices de l’UNESCO à Kuala Lumpur en 2007. Ce centre, entièrement financé par la Malaisie, s’efforce d'inciter les pays à revenus moyens à adopter durablement certaines technologies, politiques et institutions innovantes indispensables au développement (comme le modèle STI pour le développement économique de la Malaisie, l’énergie verte en Chine, les instituts consacrés à l’énergie, au changement climatique et à l’entretien des infrastructures en Inde et les biocarburants au Brésil) dans les pays à faibles revenus. Dans l’esprit du rapport du groupe de travail, l’expertise en matière d’innovation acquiert d’ores et déjà une place plus importante dans l’apport des pays BRIC vis-à-vis du reste du monde.

Les pays en développement maintiennent leur engagement à réaliser les OMD d’ici 2015 et la plupart des décideurs politiques comprennent que les STI ont un rôle indispensable à jouer en ce sens. Au demeurant, il reste beaucoup à faire pour résister à une certaine pression des milieux scientifiques internationaux dans le sens d’investissements lourds et prématurés en R&D fondamentale dans les universités et les instituts de recherche, investissements qui ne répondraient pas aux nécessités pressantes sur le terrain. La STI devra produire ses premiers résultats dans la lutte contre la faim, la pauvreté, l’analphabétisme et les problèmes de santé publique, sans quoi notre monde continuera de connaître des bouleversements sociaux et politiques.

Publié par CTA, http://knowledge.cta.int/

Rédigé par J.A. Francis, CTA et R. Engelhard, Contactivity

Citation: CTA 2013. http://knowledge.cta.int/, « auteur », accédé le « date. » 

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