L’innovation dans l’enseignement supérieur – Comment les universités peuvent-elles répondre aux besoins du Kenya ?
Shaukat Abdulrazak
Le développement socio-économique d’un pays repose sur la transformation du savoir, de la science et de la technologie en biens et services. Dans le cas du Kenya, l’intégration de la science, de la technologie et de l’innovation (ST&I) dans des processus de production nationaux est essentielle à la réussite des programmes et priorités politiques étatiques fondés sur de nouvelles idées innovantes, comme le souligne le programme Kenya Vision 2030. Ce sujet revêt une importance particulière en ces temps de concurrence mondiale et dans le cadre des préoccupations liées au développement durable et à l'équité.
Le développement de l’infrastructure scientifique et technologique nécessaire ainsi que des compétences techniques et entrepreneuriales est un préalable essentiel à la transformation du Kenya en une société du savoir. La conversion d’idées innovantes en des produits, processus et services est intimement liée à un cadre politique, institutionnel et légal favorable et bien défini qui réponde efficacement aux besoins et aspirations des citoyens. Je suis convaincu que les établissements d'enseignement supérieur ont un rôle central à jouer dans cette perspective.
L’université fait partie intégrante du système d'enseignement supérieur et doit mener des activités de recherche, offrir des programmes de qualité, fournir du personnel qualifié capable de conduire des recherches et disposer de professionnels extrêmement compétents qui soient an adéquation avec les besoins de la société. Au travers de la recherche, les universités servent de passerelle entre la science et le développement. Traditionnellement, les universités jouent un rôle clé dans le processus de croissance économique, en tant que sources de nouveaux savoirs et formatrices de chercheurs et d’ingénieurs travaillant dans des industries et des laboratoires. Cependant, l’afflux de changements et le besoin de réponses fournies en temps voulu requièrent des établissements dynamiques dotés d’une véritable volonté d’innovation et ayant fait leurs preuves dans ce domaine. L’élaboration et l’examen de programmes d’enseignement au sein des universités doivent être participatifs et inclure des parties prenantes clés, notamment les étudiants, afin d’être en mesure de répondre à leurs exigences.
La recherche universitaire fait face à des difficultés telles que le manque de communication et de coopération étroites entre les membres d’une même équipe, l’obtention de résultats dénués du cadre intégré ou global permettant d’identifier des solutions, la réticence à accepter les idées et les approches de recherche nouvelles, la concurrence, sans oublier un financement limité de la recherche, qui représente un grave problème. La mentalité individualiste doit être abolie, et les universités doivent mettre en place davantage de collaborations et de partenariats, tant au plan interne qu’externe.
Le Conseil national pour la science et la technologie (NCST), au nom du gouvernement du Kenya, gère les subventions destinées à la science, la technologie et l’innovation depuis 2008. Ces subventions ont été créées afin d’appuyer et de développer les capacités de recherche, de générer des solutions scientifiques aux enjeux auxquels fait face le pays, de servir de fondement aux recommandations politiques et de promouvoir l’innovation technologique et sociale pour le développement économique. Les subventions visent à soutenir les secteurs prioritaires ST&I en relation avec le programme de développement du gouvernement, conformément au programme Kenya Vision 2030 et au Plan à moyen terme. Le NCST a structuré les subventions de façon à soutenir diverses catégories spécifiques et à maximiser les rendements. Ces catégories sont les suivantes : recherche, innovation, installations de recherche, recherche postdoctorale, femmes chercheurs, recherche de troisième cycle (PhD et MSc/MA), programmes de collaboration bilatéraux et soutien aux conférences et colloques scientifiques.
Le gouvernement du Kenya devrait mener des politiques de recherche qui mettent en avant le rôle essentiel des universités dans les processus de recherche et d’innovation. Il est important de veiller à ce que le potentiel des universités publiques et privées en matière de production et de transmission de savoir, de sa diffusion et de son utilisation dans l’innovation technologique, soit pleinement réalisé. Ainsi, maximiser la contribution de l’université à l’innovation et à un développement social et économique durable doit être une priorité. À travers les projets retenus, le gouvernement doit apporter aux acteurs politiques une expertise dans un certain nombre de domaines : stratégie de recherche universitaire et financement de la recherche, recherche en collaboration avec des partenaires extérieurs, programmes de formation doctorale, développement de carrière pour les chercheurs et coopération internationale dans le domaine de la recherche. Le personnel universitaire doit être en première ligne et dialoguer avec les décideurs politiques pour faire face aux défis existants.
Les universités du Kenya sont profondément ancrées dans les villes et les régions en tant que composantes essentielles du développement social et économique et, tout aussi important, elles devraient être un creuset pour le dialogue et l’échange de savoir avec les citoyens et la société. Bref, elles doivent répondre aux besoins et aux attentes de la société. Elles devraient être des parties prenantes clés dans l’élaboration du programme national de recherche et jouer un rôle central dans les domaines suivants : produire des chercheurs expérimentés, englober différentes missions de recherche fondamentale et de recherche en collaboration, et être en mesure de favoriser les compétences et l'expertise en matière de recherche interdisciplinaire. L’établissement de partenariats est de plus en plus importante pour la recherche et l’innovation. Il conviendrait d’encourager le modèle d'« innovation ouverte » dans la coopération entre les universités et les entreprises. Ce modèle peut permettre de renforcer l'employabilité et les aptitudes dans le domaine entrepreneurial des diplômés et des chercheurs des universités, et d’obtenir une plus grande mobilité intersectorielle de l’échange de connaissances et du personnel. La réussite des partenariats pour les activités de recherche et d’innovation requiert de saines pratiques de gestion de projet et une gestion de la propriété intellectuelle reflétant les intérêts respectifs.
Les universités ne pourront répondre aux défis que doit relever le Kenya, qui comprennent (mais sans s’y limiter) l'insécurité alimentaire, les inondations, la sécheresse, les maladies transmissibles et non transmissibles, que si elles collaborent avec l’industrie. Cette coopération contribuera à la réalisation des objectifs suivants : accélérer le processus d'innovation, assurer la pertinence de l’enseignement doctoral, accroître la visibilité, renforcer le recrutement, développer les réseaux et fournir une aide financière à la recherche. Des stratégies doivent être mises en œuvre à cet effet. Il s’agirait notamment de soutenir les chaires de recherche et de consolider la recherche de troisième cycle.
La collaboration industrielle doit être intégrée aux processus d'enseignement doctoral. Il est essentiel de disposer des personnes adéquates des deux côtés de cette collaboration. Certains modèles de partenariat étant mieux adaptés aux petites et moyennes entreprises, une certaine flexibilité doit être accordée. Il est également indispensable d'encourager le recrutement de responsables issus du secteur industriel. La diffusion des résultats de recherche doit être convenablement menée de façon à répondre aux besoins de la société.
La progression de l’enseignement scientifique national dans l’enseignement primaire et secondaire, les établissements techniques et les universités, tout comme l’existence ou la création d’organisations de conseil, de promotion et de coordination pour la science et la technologie sont importantes pour générer les ressources humaines nécessaires dans le domaine de la ST&I. La mise en réseau des organismes de recherche et des établissements d'enseignement supérieur – dont les universités publiques – par le biais de réseaux tels que le Kenya Education Network est indispensable pour la recherche et la promotion de l’innovation, tout comme l’amélioration de la qualité et l’application de normes. La Commission pour l'enseignement supérieur doit poursuivre ses efforts visant à intensifier le mécanisme d'assurance qualité.
Pour que le Kenya profite pleinement des initiatives nationales en matière de recherche et développement (R&D) et atteigne l’objectif national qui est de devenir une économie du savoir, les conditions préalables sont l’instauration d’un environnement favorable et l’apport des ressources financières nécessaires pour la R&D. Le financement de la R&D doit ainsi être revu à la hausse afin de permettre au secteur de la R&D au Kenya, comprenant les instituts de recherche, les universités, l'enseignement et la formation techniques et professionnels et les innovateurs, de s’appuyer et se concentrer sur les domaines de priorité nationaux dans un contexte mondial. Je plaide pour qu’au moins 1 % du produit intérieur brut (PIB) soit alloué au financement de la R&D et que la dépendance à l’égard des donateurs soit réduite au minimum.
Le Professeur Shaukat Abdulrazak est le directeur général du Conseil national pour la science et la technologie du Kenya. E-mail : sabdulrazak@ncst.go.ke ; sabdulrazak@yahoo.com.
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