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Les systèmes de gestion de l’information (SGI) – Suivre l'exemple d'autres régions

Author: Paul Geeders

Date: 30/12/2004

Introduction:

Dans la plupart des pays, les informations sur l'environnement nécessaires pour résoudre les problèmes complexes de la société, de l'économie et de l'environnement sont dispersées entre différents ministères, organisations et institutions. Cet état de choses est le fruit de plusieurs années de spécialisation, d'isolement, de suspicion et de concurrence. Cependant, à problème intégré, solution intégrée, et ces solutions ne peuvent être élaborées que sur la base d'informations intégrées. Face à ce besoin, le concept des chambres de compensation a été créé.


 

Les chambres de compensation sont des « portails », sur le réseau Internet, où différents fournisseurs font la publicité de leurs produits informationnels et des services y afférents, et où les utilisateurs peuvent trouver les informations dont ils ont besoin. La création des chambres de compensation pour des informations spécialisées permet d'améliorer la disponibilité et l'accessibilité des informations, d'où l'amélioration de la qualité des processus de politique qu'elles sont supposées servir. Des centaines de chambres de compensation ont été créées sur Internet pour les besoins de diverses disciplines et à divers niveaux (État, pays, région, monde), et plusieurs d'entre elles portent sur l'information environnementale.

La plupart des chambres de compensation ont été créées dans le cadre de projets et, le plus souvent, avec des financements temporaires. Cependant, seules quelques-unes survivent à la fin du financement du projet ; il y a celles qui réussissent à équilibrer leurs coûts grâce aux revenus issus des services et produits qu'elles offrent. Les principales difficultés à surmonter pour assurer la survie des chambres de compensation sont :

  • la continuité du financement : qui est prêt à payer le prix de la valeur ajoutée qu'offrent les chambres de compensation ? Les utilisateurs ? L'État ? Les organisations internationales ?
  • les problèmes de concurrence institutionnelle : de nombreux fournisseurs ne sont pas prêts à mettre leurs informations à la disposition des chambres de compensation, car ils craignent que quelqu'un « en fasse un usage lucratif » ;
  • la disponibilité de gestionnaires spécialisés de données/informations sur l'environnement : la création et la gestion de chambres de compensation requièrent de l'expertise en NTIC et de l'expertise dans le domaine spécifique de la compensation ; ce type d'experts n'est pas facilement disponible, et seules des formations « sur le tas » permettent de produire l'expertise requise ;
  • la normalisation des données/informations : l'absence quasi complète de normes internationales en matière d'archives de données et d'informations sur l'environnement entrave le processus de recherche et d'établissement de liaison avec les informations qu'il faut ; de même, la plupart des données et informations ne sont pas fournies avec des métadonnées, ce qui constitue une condition préalable pour la réussite des activités de recherche et d'identification.

Par conséquent, la plupart des chambres de compensation servent de « portail », autrement dit une compilation systématique de liens vers un grand nombre de sites Internet liés entre eux, comme on peut le voir à partir des différents liens inclus dans le présent dossier. Les chambres de compensation ne parviennent pas à assurer une intégration efficace des informations obtenues de différentes bases de données. En puisant ses données environnementales dans une multitude de sources, l'utilisateur se doit de procéder à leur intégration manuelle s’il veut obtenir des informations utiles pour répondre à une question.

Le réseau Internet joue un rôle d'encyclopédie ; cependant, il ne fournit pas toujours de « réponse intelligente à une question intelligente ». Au contraire, le volume sans cesse croissant d'informations disponibles sur Internet fait qu'il est même plus fastidieux d'obtenir la « réponse intelligente » que l'on recherche. Dans de nombreux pays et centres universitaires, des efforts sont en cours pour résoudre ce problème et mettre au point des portails « intelligents » qui utilisent des logiciels novateurs pour fournir des réponses appréciées à l'utilisateur, sur la base des recherches menées au sein de diverses bases de données.

Exemples de systèmes de gestion d'information environnementaux à succès

1. Le Centre européen des prévisions météorologiques à moyenne échéance (CEPMME), Reading, Royaume-Uni

Les principaux objectifs du CEPMME sont :

  • la mise au point de méthodes numériques pour la prévision météorologique à moyenne échéance ;
  • la préparation régulière de données météorologiques à moyenne échéance en vue de leur distribution aux services météorologiques des États membres ;
  • la recherche scientifique et technique orientée vers l'amélioration de ces prévisions ;
  • la collecte et le stockage de données météorologiques appropriées.

Par ailleurs, le Centre :

  • met à la disposition de ses États membres une partie de ses capacités de calcul pour leurs recherches ;
  • aide les États à mettre en œuvre les programmes de l'Organisation météorologique mondiale (OMM) ;
  • assure le perfectionnement du personnel scientifique des États membres dans le domaine de la prévision météorologique numérique ;
  • met les données contenues dans ses vastes archives à la disposition d'instances externes.

Le CEPMME mène ses activités sur la base d'une Convention entre ses États membres. La Convention stipule que « Les organes du Centre sont le Conseil et le Directeur. Le Conseil est aidé dans sa tâche par un Comité consultatif scientifique et un Comité financier ». Le Conseil a, depuis, créé de nouveaux comités : le Comité consultatif technique, le Comité consultatif sur les politiques en matière de données et le Comité consultatif des États coopérants. Le Conseil et les comités se réunissent à un rythme régulier tout au long de l'année.

Les informations sur le temps et le climat revêtent une grande importance pour le développement agricole et rural et, en tant que telles, les prévisions météorologiques fiables à moyenne échéance sont d'une grande importance pour les pays ACP. Par conséquent, la création en temps opportun de centres similaires dans les régions ACP doit être envisagée.

2. Le Réseau de données et d'informations océanographiques de la Commission océanographique intergouvernementale (ODIN-COI)

L'accès et l'utilisation efficace des données et des informations pour la gestion et l'exploitation de l'environnement et des ressources de la mer constituent l'un des principaux défis auxquels sont confrontés les États membres de la Commission océanographique intergouvernementale (COI). Le succès des stratégies de développement dépendra pour beaucoup de la disponibilité et de l'utilisation des informations scientifiques et techniques selon des normes qui puissent être aisément comprises et appliquées. Les États membres doivent créer des mécanismes pour la collecte, le contrôle de qualité, l'analyse, l'interprétation et la diffusion de données et d'informations. Grâce à divers programmes initiés au niveau national, régional et mondial, le Réseau a généré des quantités substantielles de données et d'informations qui n'ont pas été utilisées à bon escient pour le développement national. Cet état de choses est notamment dû à l'accès limité aux données recueillies dans le cadre de ces programmes, et au manque d'aptitudes pour analyser et interpréter les données.

Comme première mesure pour améliorer cette situation pour les États membres africains de la COI, le Réseau de données et d'informations océanographiques pour l'Afrique (ODINAFRICA) a été créé en 1999. Il est actuellement constitué de vingt États membres de la COI de l'Unesco. Il s'agit en l'occurrence du Bénin, du Cameroun, des Comores, de la Côte d'Ivoire, du Gabon, du Ghana, de la Guinée Conakry, du Kenya, de Madagascar, de la Mauritanie, de l'île Maurice, du Maroc, du Mozambique, du Nigeria, du Sénégal, des Seychelles, de l'Afrique du Sud, de la République unie de Tanzanie, du Togo et de la Tunisie. Le Réseau ODINAFRICA a pour but de :

  • permettre aux États membres d'Afrique d'avoir accès aux données disponibles dans d'autres centres de données ;
  • renforcer les aptitudes en matière de manipulation et de préparation de données et de produits informationnels ;
  • développer les infrastructures d'archivage, d'analyse et de diffusion de données et de produits informationnels.

La création du réseau a bénéficié de l'appui de l'Unesco-COI et du gouvernement de Flandres, en Belgique.

Il faut noter que ODINAFRICA est le fruit d'initiatives prises dans la région depuis 1987 ; c'est là une preuve évidente du temps relativement long qu'il faut pour créer avec succès ce type de coopération régionale. L'un des principaux éléments de ce processus a toujours été de procéder à une évaluation minutieuse des besoins des divers États membres grâce à des missions, des interviews et des réunions, afin de s'assurer que les résultats du projet satisferont ces besoins. La mise en œuvre du projet a consisté, entre autres, en une rétroinformation continue entre pays participants. Le projet est appelé à améliorer les échanges, ce qui suppose que les participants devront, non seulement évaluer le contenu du système, mais aussi y contribuer par leurs propres données, informations et expériences.

Compte tenu du succès d'ODINAFRICA, un projet similaire, ODINCARSA, avec les mêmes objectifs, a été lancé en 2001 pour les États membres de la COI dans les Caraïbes et en Amérique latine.

Les enseignements issus de ces projets régionaux de la COI sont d'une utilité certaine pour les pays ACP. Par ailleurs, les informations sur l'environnement côtier et marin circulant entre ces réseaux peuvent être d'une valeur immédiate pour le développement agricole et rural.

3. Le Mécanisme de chambre de compensation sur la biodiversité de la Communauté européenne

Ce portail Internet a été créé en 1999 et sa mise en service effective a commencé en 2001. Il contient un grand nombre de liens européens et mondiaux sur la gestion de la biodiversité et de l'environnement. Ces liens donnent accès à la Convention sur la biodiversité, aux différents organes de l'Union européenne (UE) à Bruxelles, à l'Entente européenne pour l'environnement (EEE), au Fonds mondial pour l'information sur la biodiversité (GBIF) et à bien d'autres organisations. Des informations y sont présentées sur les conventions, projets et programmes sur la biodiversité, et sur des opportunités de financement de projets liés à la biodiversité. Le site contient par ailleurs une section actualités bien tenue à jour et une section sur les réunions et événements. L'un des éléments spécifiques du site est consacré à la biodiversité technique : les profils de données, le suivi et les indicateurs, les répertoires, les services de référence, les listes rouges, les espèces étrangères et certains groupes d'espèces.

Ce portail pourrait constituer une référence de valeur pour les activités liées à la biodiversité dans les pays ACP, et pourrait être exploité pour promouvoir les sites sur la biodiversité des pays ACP. Il pourrait servir de référence pour la création de sites similaires de biodiversité pour les trois régions ACP.

Conclusion

Les systèmes de gestion de l’information (SGI) constituent un outil essentiel pour le développement agricole et rural et la gestion des ressources naturelles (GRN) dans les pays ACP, car ils fournissent des données et des informations sur l'environnement (et sur d'autres domaines) pour les activités quotidiennes mais aussi pour la planification et la prise de décision.

Dans de nombreux pays ACP, un certain nombre de systèmes de gestion d'information intégrés sur l'environnement ont été créés ou sont sur le point de l'être. Ces initiatives, et notamment les expériences que pourraient en tirer les pays, constitueraient une excellente base pour des progrès futurs dans le domaine des SGI dans les pays et les régions ACP. L'échange de ces expériences devra donc être encouragé, en même temps que la coordination et la coopération entre les différents projets.

Beaucoup d'informations et de données environnementales de valeur sont déjà disponibles pour le développement agricole et rural des pays ACP sur le réseau Internet et à partir de bien d'autres sources. Mais de nombreux utilisateurs ne sont pas au courant de leur existence et ne peuvent y avoir accès. Les références incluses dans le présent dossier constituent une première tentative de sensibilisation des pays ACP à l'existence de ces ressources, afin de leur en faciliter l'accès.

Les pays ACP doivent consentir des investissements pour obtenir et améliorer leur accès aux informations dont ils ont besoin sur l'environnement. Ces investissements doivent être opérés dans le développement des infrastructures, dans une combinaison d'équipements techniques appropriés et dans la formation adéquate des ressources humaines sur le plan institutionnel, au niveau national et régional. Ce processus peut être réalisé grâce à une approche par étape ou progressive, qui permet de répartir le fardeau financier.

Pour les pays et institutions ne disposant pas de l'accès (ou disposant d'un accès limité) à Internet, mais possédant des équipements informatiques, on pourrait envisager comme option la publication et la distribution périodique de cédéroms contenant un certain nombre de sites Internet dignes d'intérêt, qui peuvent être accessibles à l'aide de n'importe quel navigateur. Des partenariats nationaux, régionaux et internationaux pourraient être envisagés pour la mise en œuvre de cette option.

Au niveau national et régional, la création de SGI pour les données et informations sur l'environnement, et notamment d'un cadre numérique standard de collecte de données, devra être envisagé. Au sein de ces systèmes, il faudra encourager la création de centres dotés d'infrastructures plus puissantes d'information pour appuyer celles plus faibles, dans le cadre d'un accord de coopération qui réunisse diverses institutions et ministères et qui aille au-delà des frontières nationales. Des enseignements peuvent être tirés de systèmes similaires créés dans plusieurs disciplines telles que la météorologie et la recherche marine en divers points du monde (CEPMME, ODINAFRICA, ODICARSA) et les initiatives en cours dans certains pays ACP.

L'appui financier et technique aux projets visant à produire des SGI pour l'information environnementale pourrait être obtenu auprès d'institutions telles que l'INCO/DEV de l'UE, les banques régionales comme la BAD, la BAfD et la BID, mais aussi le Fonds pour l'environnement mondial (FEM) du PNUE et le PNUD.

30/12/2004