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L’éthique en matière de production animale et de durabilité

Author: Andreia De Paula Vieira et Raymond Anthony

Date: 29/04/2016

Introduction:

Au cours des 50 dernières années, les valeurs éthiques entourant la production animale ont progressivement évolué, principalement suite à l’adoption généralisée de pratiques industrielles et intensives. L’industrialisation et le pro-productivisme ont pris le pas sur les valeurs agraires et les méthodes agricoles mettant l’accent sur la prospérité matérielle. Cela a modifié la perception des agriculteurs et des éleveurs indépendants de la part de la communauté, auparavant considérés comme les gardiens de la terre et des animaux de la ferme. Les pratiques de sécurité alimentaire, de contrôle de la qualité, de bien-être animal et de traçabilité sont devenues des normes prépondérantes et des sujets de contestation politique et économique, les producteurs et les agroentreprises multinationales cherchant à maximiser la qualité des produits et la rentabilité économique.


 

L’éthique en matière de production animale et de durabilité

Andreia De Paula Vieira,
École de commerce et de communication, Universidade Positivo, Brésil.

Raymond Anthony,
Département de philosophie, Université de l’Alaska à Anchorage, États-Unis.

Introduction
La production animale mondiale moderne est influencée par deux paradigmes antinomiques de l’agriculture (Thompson, 2010) : le pro-productivisme et l’agrarianisme. Ces paradigmes reposent sur les valeurs éthiques des principaux acteurs et sur divers facteurs tels que : l’évolution des conditions socio-économiques, la disponibilité des ressources de l’écosystème, l’impact des accords commerciaux internationaux, la recherche scientifique et la technologie, l’éducation des citoyens, la formation et l’enseignement dans le secteur de la production et de l’agriculture, les politiques et les lois locales et internationales relatives à l’alimentation et les défis climatiques et environnementaux.

Au cours des 50 dernières années, les valeurs éthiques entourant la production animale ont progressivement évolué, principalement suite à l’adoption généralisée de pratiques industrielles et intensives. L’industrialisation et le pro-productivisme ont pris le pas sur les valeurs agraires et les méthodes agricoles mettant l’accent sur la prospérité matérielle (Thompson, 2008). Cela a modifié la perception des agriculteurs et des éleveurs indépendants de la part de la communauté, auparavant considérés comme les gardiens de la terre et des animaux de la ferme. Partout, les agriculteurs et les  producteurs sont amenés, par les forces du marché, à intensifier la production animale, à adopter des approches d’intégration verticale et à prendre une orientation plus commerciale. Aujourd’hui, les pratiques de sécurité alimentaire, de contrôle de la qualité, de bien-être animal et de traçabilité sont devenues des normes prépondérantes et des sujets de contestation politique et économique, les producteurs et les agroentreprises multinationales cherchant à maximiser la qualité des produits et la rentabilité économique.

De nombreux agriculteurs et producteurs des pays en développement sont parfois encouragés par les partenaires mondiaux à accroître la production animale locale destinée aux marchés nationaux, voire à l’exportation, en adoptant des modèles d’industrialisation. Or, nous sommes d’avis que ces derniers et leurs sociétés agraires ont beaucoup à offrir pour la promotion de la durabilité sociale, environnementale et économique des systèmes alimentaires et des économies locales. Ils ont la capacité d’innover et de fournir des solutions alternatives résilientes et durables pour répondre aux exigences de modernisation des systèmes de production animale. Par exemple, les approches agraires traditionnelles peuvent apporter des solutions locales judicieuses en réponse aux défis soulevés par le changement climatique, aux risques posés par les maladies associées à la production intra-espèces et transfrontière répandues dans les exploitations d’élevage en claustration (EEC) ou au besoin d’une gestion stricte d’énergie, d’éléments nutritifs et des déchets, et pour une utilisation intelligente des ressources naturelles.

Les défis spécifiques à l’élevage découlant de l’industrialisation rapide dans les sociétés à prédominance agraire sont les suivants : la pression pour adopter l’agriculture contractuelle ; la perte du droit de posséder la terre ; la coopération limitée entre les petits agriculteurs et les acteurs de la production et de la distribution industrielles intégrées dans la chaîne alimentaire ; les façons locales de préserver l’environnement et de réduire les déchets, et la sécurité alimentaire des ménages et de la communauté dans le contexte de la dignité humaine ; les opportunités incertaines de marché à valeur ajoutée pour les petits exploitants et les agriculteurs de taille moyenne dans le commerce local et international ; et les enjeux vis-à-vis des pratiques d’élevage reposant sur une forte interaction entre l’homme et les animaux et sur le bien-être animal. En outre, les politiques nationales et internationales qui ne tiennent pas compte des caractéristiques spécifiques de l’économie alimentaire locale et des contributions majeures des sociétés agraires pour la sécurité alimentaire et la génération de revenus peuvent piéger les producteurs et leurs familles qui sont déjà en situation de pauvreté (Pinstrup-Andersen et Watson II, 2011).

Dans ce contexte, il est difficile pour les agriculteurs et les producteurs de contenir les coûts des transactions permettant d’améliorer les pratiques de production et de transformation, de participer à une formation efficace leur permettant de se professionnaliser en tandem avec les transformateurs de produits alimentaires et autres travailleurs du secteur de la production animale, et de s’engager dans la gouvernance partagée du système alimentaire local. Le glissement des paradigmes agricoles vers une plus grande mondialisation de l’alimentation peut aussi influencer la confiance entre les producteurs et les consommateurs (et entre les décideurs et les scientifiques) ; faire naître des relations ambiguës avec les biens communs agro-écologiques ; susciter des conceptions divergentes des préjudices et des risques ; et coïncider avec des cadres éthiques concurrents et une considération variable de la durabilité (Anthony, 2012).

Production animale et justice sociale
La demande de produits d’origine animale devrait augmenter sensiblement dans les pays en développement (Alexandratos et Bruinsma, 2012). Qu’est-ce que les méthodes agricoles adoptées par les pays ACP vont révéler sur leurs engagements moraux ? Historiquement, l’accroissement de la production sans justice sociale a affecté de manière disproportionnée les populations marginalisées, les pauvres et les minorités. Les peuples et les communautés sous-représentés peuvent également évaluer différemment les conséquences pour l’intégrité écologique et la durabilité. Comment les pays ACP doivent-ils s’y prendre pour équilibrer la sécurité alimentaire régionale et avoir accès aux marchés pour leurs produits ? Il est crucial de trouver un juste équilibre (éthique) entre nos devoirs vis-à-vis des animaux et des agriculteurs (indépendamment de la taille des exploitations et des investissements dans la technologie), nos devoirs vis-à-vis des générations futures et notre devoir d’assurer la résilience des sites agro-écologiques.

La répartition équitable des avantages et des inconvénients, idée fondamentale sur laquelle repose l’éthique et la justice sociale ou distributive (Rawls, 2001), peut constituer le cadre éthique qui permettrait aux petits producteurs dans les pays en développement de changer leur situation et de bâtir un avenir prometteur pour la production animale. Les questions de justice sociale entourant la production animale reposent sur quatre composantes majeures (adaptation de Miller, 2003) : le besoin, qui concerne les nécessités de base et les personnes à qui il incombe de les protéger si un citoyen risque un préjudice et/ou si sa capacité à bien fonctionner se voit menacée ou entravée ; le mérite, qui concerne la juste rétribution des performances ; et l’égalité, l’idéal social dans lequel la société considère et traite ses membres sur un pied d’égalité, et dans lequel les avantages tels que certains droits (par exemple, le droit à l’alimentation) doivent être pris au sérieux et partagés/répartis à parts égales. Parallèlement, la composante justice procédurale concerne le pluralisme moral et la question de savoir si une communauté est correctement représentée d’un point de vue politique, éthique et économique. Cette composante se centre sur les formes éthiques d’engagement public et met l’accent sur la pertinence ou la fiabilité des processus de délibération, autrement dit, sur la question de savoir si certains points de vue peuvent ne pas être représentés, être injustement représentés ou rejetés ou encore, banalisés.

À une époque où le monde assiste à l’évolution des valeurs et des technologies dans la production animale, la justice sociale peut aider à orienter les politiques locales d’alimentation et de production animale visant, dans un avenir prometteur, à sortir l’ensemble de la population de la pauvreté. Les modèles industriels et d’intensification ne doivent pas défavoriser les citoyens participant à ou concernés par la production animale. À la base, la modernisation devrait permettre de répondre aux demandes éclairées des consommateurs locaux d’aliments d’origine animale qui sont conformes aux valeurs des chaînes de production connues au niveau régional. La modernisation ne devrait pas se contenter d’imiter les initiatives d’industrialisation existantes, mais devrait refléter les engagements agraires et pastoraux, les styles d’alimentation locale et les choix alimentaires collectifs actuels, d’autant plus lorsqu’ils sont plus durables et plus sains. Cela pourrait devenir une source importante d’innovation et apporter de la valeur ajoutée aux produits dans le monde entier. L’innovation locale pourrait permettre une répartition plus équitable des inconvénients et des avantages de la production alimentaire.

L’importance des notions de Besoin, de Mérite et d’Égalité dans les processus participatifs de gouvernance en matière d’agriculture est reflétée dans la façon dont la mondialisation et l’industrialisation du secteur de la production animale ont influencé les pays. Grâce à la mondialisation, le marché de l’élevage a connu une croissance de la demande intérieure et créé des opportunités pour les producteurs des régions en développement de participer aux marchés de l’exportation. Ceci a, à son tour, donné lieu à de modestes augmentations du revenu par habitant, à une évolution des infrastructures et des technologies, notamment à l’intégration verticale, à l’essor de l’agriculture contractuelle et à l’urgence de garantir la sécurité alimentaire des ménages et de la communauté. Dans ce contexte, l’intérêt de la justice procédurale est de savoir si les styles alimentaires (à savoir, « un régime alimentaire qui fait partie d’un mode de vie », Korthals, 2012, p. 111) et les choix (reflétant, par exemple, la production et la disponibilité de différents produits alimentaires et des processus connexes) sont correctement représentés dans la culture alimentaire dominante (Korthals, 2012).

Par exemple, comment les choix alimentaires collectifs des pays ACP sont-ils perçus dans la chaîne de production et sur le marché ; les styles alimentaires et les choix adoptés dans la production, la préparation, le commerce et la consommation alimentaires sont-ils adéquatement reflétés ? La justice procédurale incite le marché, le secteur de la production et les décideurs politiques à veiller à ce les choix et les styles alimentaires locaux soient pris en considération, notamment lorsqu’un système alimentaire unique peut s’avérer préjudiciable pour les moyens de subsistance des communautés rurales et pour la santé et l’alimentation des citoyens-consommateurs à l’échelle internationale. La justice procédurale souligne l’importance d’organiser des discussions et des délibérations ouvertes avec les producteurs et les consommateurs des pays en développement confrontés à la modernisation et à l’industrialisation agricole. En effet, le bien-être des animaux d’élevage et la viabilité des pratiques agricoles sont inextricablement liés à des droits fondamentaux tels que le droit à l’alimentation et à une nourriture suffisante, le droit à des moyens convenables de subsistance et à des conditions de travail décentes, ainsi qu’à des éléments communs essentiels à la prospérité, tels que la biodiversité et les ressources de l’écosystème (Conseil économique et social de l’ONU, 1999).

Préoccupations concernant la justice sociale et spécifiques à la durabilité, portant sur la production animale
Dans quelle mesure la justice sociale peut-elle éclairer les débats politiques publics sur l’éthique en matière de production animale et de durabilité ? Le secteur mondial bénéficie-t-il à tous les acteurs (même les plus démunis) de façon équitable ? (voir http://brusselsbriefings.net/past-briefings/n12-livestock/)

Une mise en avant de la justice sociale peut motiver une prise en compte judicieuse des technologies et systèmes agricoles modernes à adopter, et devrait constituer la base des stratégies d’engagement entre les gouvernements nationaux, les décideurs régionaux, les producteurs et les agriculteurs, les partenaires commerciaux, les scientifiques, les universités et les organismes de financement internationaux et locaux. Pour instituer des cadres de durabilité conformes aux valeurs spécifiques des pays ACP, les décideurs et les représentants régionaux de l’industrie doivent prendre en considération les implications éthiques des pratiques ciblant le bien-être des animaux, l’impact potentiel des biotechnologies sur les animaux, l’environnement et le public, la santé publique, la sécurité alimentaire et la qualité des aliments, la santé et la sécurité des travailleurs, les impacts directs et indirects sur les biens communs agro-écologiques locaux, les écosystèmes environnants et la faune locale, les installations de production locales et les impacts sur les communautés défavorisées ou rurales. Cette orientation favorisera l’innovation et permettra de faire avancer les pratiques de production animale durables à la fois au niveau local et international, sans engendrer de trop grosses difficultés pour les petits producteurs et les agriculteurs axés sur la communauté.

La mondialisation de l’alimentation soulève des questions de justice sociale spécifiques, telles que : « Quelles sont les normes prédominantes régissant la production animale mondiale et dans quelle mesure ont-elles influencé les politiques et les pratiques locales ? » ; « Quel impact la colonisation a-t-elle eu sur l’adoption des innovations technologiques et politiques ? » ; « Dans quelle mesure les droits de propriété sont-ils menacés par l’industrialisation et l’intensification ? » ; « Les normes éthiques générales régissant les politiques alimentaires et agricoles, le financement de la recherche, la science et la technologie favorisent-elles la justice sociale, la durabilité, la santé et la sécurité nutritionnelle ? » ; « Dans quelle mesure la corruption institutionnelle et la fragmentation des responsabilités empêchent-elles les gouvernements nationaux, les décideurs régionaux et les organismes chargés de la science, la technologie et l’innovation (ST&I) d’aider ceux qui participent à la production animale ? » ; « Les avantages et les inconvénients sont-ils équitablement répartis entre toutes les personnes concernées par la production animale ? » ; « Dans quelle mesure le manque de transparence et d’inclusion, l’absence de responsabilisation, la répartition des responsabilités, la négligence et la violation des droits individuels, la dégradation de l’environnement, le non-respect du bien-être des animaux, la surutilisation de produits pharmaceutiques et de produits chimiques peuvent-ils influencer la manière dont les inconvénients et les avantages sont répartis ? » ; « Quelles devraient être les mesures correctives à adopter pour les pays en développement, notamment dans la région Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP) ? ».

Principales entraves au développement de l’élevage dans les pays ACP : l’éthique et la pratique
Asiedu et al. (2009) identifient les principales difficultés que rencontrent les États membres de la région ACP pour répondre à la demande d’aliments d’origine animale et pour relever les défis posés par le changement climatique et la qualité du marché. Le développement de la production animale diffère entre les pays ACP et les pays en développement d’Asie et d’Amérique du Sud, et même entre les pays ACP. Les systèmes de production locale, les contraintes institutionnelles, les politiques et les pratiques actuelles détermineront la direction et la forme que la durabilité prendra. Les progrès de la biologie animale, de la biotechnologie, des technologies de l’information et de la communication, la gestion durable des ressources environnementales et animales, la qualité des aliments, la sélection des relations commerciales à poursuivre, entre autres, doivent tenir compte des réalités, des nécessités, des exigences et des capacités locales ainsi que des impacts à court et à long terme. Il faut également prendre en considération les normes éthiques sur lesquelles s’appuient les choix et leurs conséquences pour les différentes populations locales.

La gouvernance et les politiques éthiques qui favorisent la durabilité devraient inclure des processus participatifs des communautés et des agriculteurs traditionnels et vulnérables locaux, et examiner la façon dont la justice sociale et l’innovation sont appréhendées dans les investissements en faveur du développement agricole (voir CES de la CE 2010/379). Les pays ACP peuvent bâtir des systèmes de production animale résilients et durables dans le cadre de tentatives locales ou régionales d’innovation en : revisitant les habitudes alimentaires et les différences culturelles traditionnelles ; en tenant compte de l’impact de la colonisation, des méthodes historiques d’extraction des ressources et d’expansion de la mobilité socio-spatiale sur leurs milieux environnants ; en (re)conceptualisant les relations locales terres-hommes-animaux ; en identifiant les demandes locales actuelles après consultation des parties prenantes ; en adoptant des technologies axées sur l’agriculture ; et en invitant les organismes étrangers d’aide et d’investissement à créer des partenariats avec les producteurs locaux, les décideurs politiques et les défenseurs de l’agriculture ayant des connaissances scientifiques.

Ouvrir la voie à la production animale respectueuse des règles éthiques
Les animaux constituent des moyens de placement et des sources de revenus en cas de besoin, assurent le transport des biens et des services, et sont au centre de nombreuses manifestations et cérémonies socio-culturelles (FAO, 2009). La capacité de production est beaucoup plus faible dans les pays ACP que dans les autres pays en développement. Les faibles taux de croissance de l’élevage dans les pays ACP (FAO, 2006) posent d’autant plus problème pour les producteurs qui souhaitent améliorer leur accès au marché mondial. Dans une perspective de justice sociale, si l’on veut optimiser la production animale et promouvoir des solutions locales innovantes, il faut comprendre les valeurs et les préférences sous-jacentes qui guident la production animale, de même que l’interaction entre les valeurs et la science, la technologie, l’énergie, les facteurs environnementaux et biophysiques, les mœurs culturelles et les attentes sociétales concernant la production animale, l’élaboration des politiques et les échanges commerciaux (UNSCD, 2012).

Pour différents pays ACP, le fait de se centrer sur la relation entre les valeurs et les solutions socialement, économiquement et écologiquement durables contribuera à encourager la production animale locale. La participation des agriculteurs locaux à l’aspect plus en amont du processus de transfert des connaissances et aux projets de recherche parrainés par le secteur public-privé permettra de promouvoir leurs intérêts et d’identifier la façon dont les ressources, les fourrages et les races autochtones peuvent être utilisés au mieux pour que les agriculteurs puissent trouver des solutions applicables pour eux-mêmes. Par exemple, le fait de faire appel aux connaissances locales et autochtones pour assurer le suivi des nutriments, de l’eau et des zones de pâturage est une stratégie de gestion efficace pouvant encourager l’innovation et même contribuer à accroitre la productivité de l’élevage (Scoones, 1995).

À une époque où les pays en développement sont parfois encouragés par les partenaires mondiaux à accroître la production animale locale destinée aux marchés nationaux, et éventuellement à l’exportation, en adoptant des modèles d’industrialisation, à notre avis, leur adoption progressive favorisera l’innovation et fera avancer les pratiques de production animale durable, que ce soit au niveau local ou international. Avant d’adopter ces modèles, les éleveurs doivent pouvoir s’engager avec les gouvernements nationaux, les décideurs régionaux, les partenaires commerciaux, les scientifiques, les universités et les organismes de financement internationaux et locaux à construire des cadres de durabilité qui répondent à leurs propres valeurs. Les décideurs et les représentants de l’industrie doivent prendre en considération les implications éthiques des pratiques respectant le bien-être des animaux, l’impact potentiel des biotechnologies sur les animaux, l’environnement et le public, la santé publique, la sécurité alimentaire et la qualité des aliments, la santé et la sécurité des travailleurs, les impacts directs et indirects sur les biens communs agro-écologiques locaux, les écosystèmes environnants et la faune locale, les installations de production locales et les impacts sur les communautés défavorisées ou rurales.

Les documents suivants présentent quelques unes des principales initiatives visant à promouvoir l’engagement des parties prenantes vis-à-vis de solutions concrètes et reconnaissant la centralité du bien-être animal pour la justice sociale, la durabilité et le développement durable :
« Renforcement des capacités pour la mise en place des bonnes pratiques pour le bien-être des animaux » ; « Bien-être animal : le plaisir de respecter leurs droits » ; et « Guide de bonnes pratiques en élevage laitier ».

Science participative : un choix en faveur d’une gouvernance de la production animale respectueuse de l’éthique
Il est urgent de mieux comprendre les valeurs entourant la production animale dans le développement des entreprises locales, et parmi tous les secteurs de la chaîne alimentaire, tout comme les avantages économiques, environnementaux, nutritionnels et sociaux conférés par la production animale dans les pays ACP si l’on veut que les connaissances puissent être générées conjointement avec les agriculteurs et que d’importants partenariats de recherche puissent être (ré)imaginés. Les communautés scientifiques des pays ACP, ainsi que les décideurs politiques, les autorités de régulation, l’industrie, le public et les producteurs peuvent façonner la manière dont la science est intégrée dans la prise de décisions éthiques, de sorte à profiter à la fois aux animaux et aux producteurs locaux. Par ailleurs, la formation des producteurs ACP nécessitera le transfert des connaissances scientifiques locales aux structures existantes telles que les coopératives, les autres secteurs de la production animale, et aux agents de vulgarisation qui soutiennent les petits producteurs et les paysans locaux pratiquant une agriculture de subsistance.

Les acteurs innovant dans et pour le secteur doivent être attentifs aux problèmes et solutions régionaux, notamment à la détresse des petits agriculteurs locaux et des personnes extérieures aux chaînes de production-consommation traditionnelles, mais qui sont elles aussi impactées par les décisions relatives à la production animale par le biais de la mondialisation, sous forme de normes internationales commerciales et relatives au bien-être animal.

Les dialogues régionaux doivent établir des cadres de durabilité pratiques conscients des valeurs et identifier les priorités à court et à long terme pour promouvoir la recherche et l’innovation. Ces cadres doivent porter sur des composantes clés de la chaîne alimentaire animale : les producteurs (ceux qui utilisent des systèmes de production à faible ou fort niveau d’intrants externes), les transporteurs, les abattoirs, les usines de transformation, les scientifiques (pour concevoir les aspects techniques des différents systèmes de production animale, pour garantir la protection des animaux et les bonnes pratiques d’élevage ainsi que la gérance environnementale), les décideurs (qui peuvent développer l’accès aux marchés régionaux et internationaux et anticiper les coûts et les avantages), les agroéconomistes et concepteurs (qui peuvent développer des campagnes de marketing éclairées et des matériels éducatifs qui reflètent les points forts des communautés locales et de la science actuelle), le gouvernement, les secteurs privés et les ONG (susceptibles de fournir des informations pour assurer une gouvernance respectueuse de l’éthique).

Conclusion
La recherche multidisciplinaire permettra d’identifier les capacités, le potentiel de croissance, la vision de l’avenir et les valeurs agricoles locales des pays ACP. Cela aidera les gouvernements et les décideurs nationaux à cerner les avantages des valeurs agraires dans la production de produits agricoles / matières premières ainsi que l’importance de produire des produits de haute qualité au niveau local, sans nuire aux usages populaires locaux et en répondant aux besoins des consommateurs locaux et de ceux impliqués dans la chaîne de valeur de la production animale. Les innovations en agronomie, sciences animales, médecine vétérinaire, sciences environnementales, géographie (humaine et animale), technologies de l’information et de la communication et en agriculture de précision permettront : la collecte de données, le suivi et le développement de nouvelles pratiques d’élevage, une meilleure intégration des différentes cultures de protection des récoltes-animaux-forêts, le développement de plans d’urgence pour surmonter les questions sanitaires, de sécurité alimentaire et de bien-être des animaux, une meilleure promotion des stratégies de séquestration du carbone, et des programmes de gestion des sols et de l’eau soigneusement étudiés pour empêcher la désertification due au changement climatique.

Le développement et l’utilisation de stratégies éprouvées et solides de développement durable, comme l’Évaluation de la durabilité des systèmes alimentaires et agricoles (SAFA) (http://www.fao.org/nr/sustainability/evaluations-de-la-durabilite-safa/fr/)  peuvent contribuer à susciter l’engagement des communautés en faveur de la sécurité alimentaire et de la sécurité des moyens de subsistance, et à créer des produits durables ou responsables qui tiennent compte de consommateurs responsables, qui sont des utilisateurs efficaces des ressources et qui peuvent minimiser les déchets. Ce sont des attentes essentielles en matière de justice sociale, à une époque où la quête d’une vie constructive et éthique passe par des stratégies alimentaires et agricoles.

Références
Alexandratos, N. et Bruinsma, J. 2012. World Agriculture towards 2030/2050: The 2012 Revision. ESA Working paper No. 12-03. Food and Agriculture Organization of the United Nations, Rome, Italie. http://www.fao.org/fileadmin/templates/esa/Global_persepctives/world_ag_2030_50_2012_rev.pdf [Accessible 3 janvier, 2015].

Anthony, R. 2012. Building a sustainable future for animal agriculture: an environmental virtue ethic of care approach within the philosophy of technology. Journal of Agricultural and Environmental Ethics (Special Supplement on Sustainable Food Production and Ethics), 25(2): 123-144.

Asiedu, F., Gouro, A. S., Ndlovu, L., Nuru, H. and Lameta, K. 2009. Improving livestock development in ACP countries: The role of science, technology and innovation in addressing the challenges to food security and economic empowerment. edited by Francis, J. CTA, Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation, Wageningen, Netherlands.
http://knowledge.cta.int/content/download/21263/255792/file/Livestock+Policy+Brief+Final_090529.pdf  [Accessible 3 janvier, 2015].

EC SEC 2010/379. Un cadre stratégique de l’UE pour aider les pays en développement à relever les défis liés à la sécurité alimentaire. Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, Bruxelles, Belgique.
http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52010DC0127
[Accessible 3 janvier, 2015].

FAO. 2006. Companion document: Comprehensive Africa Agriculture Development Programme: Integrating livestock, forestry and fisheries sub-sectors, African Union and NEPAD. Food and Agriculture Organization of the United Nations, Rome, Italie.

FAO. 2009. The State of Food and Agriculture 2009: Towards a Responsible Livestock Future. Food and Agriculture Organization of the United Nations, Rome, Italie.

Korthals, M. 2012. Two evils in food country: Hunger and the lack of representation Dans (éd.) Kaplan, D. The Philosophy of Food, University of California Press, Berkeley, CA, Etats-Unis.  103-121.

Miller, D. 2003. Principles of Social Justice. Harvard University Press, Cambridge, MA, États Unis.
Pinstrup-Andersen, P. and Watson II, D. 2011. Food Policy for Developing Countries: The Role of Government is Global, National and Local Food Systems. Cornell University Press, Ithaca, États Unis.

Rawls, J. 2001. Justice as Fairness: A Restatement. Kelly, E. (ed). Harvard University Press, Cambridge, MA, États Unis.

Scoones, I. 1995. Exploiting heterogeneity: habitat use by cattle in the communal areas of Zimbabwe. Journal of Arid Environments, 29: 221-237.

Thompson, P.B. 2008. The ethics of intensification: Agricultural development and cultural change (The International Library of Environmental, Agricultural and Food Ethics). Springer, Dordrecht, Pays-Bas.
Thompson, P.B. 2010. The agrarian vision: Sustainability and environmental ethics. University of Kentucky Press, Lexington, KY, États Unis.

UNCSD. 2012. Report of the United Nations Conference on Sustainable Development.

UN Economic and Social Council, 1999. The right to adequate food (Art 11). E/C.12/1999/5.  UN Office of the United Nations High Commission for Human Rights. Genève, Suisse.

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Commandé par : Le Centre technique de coopération agricole et rurale ACP-UE (CTA)
Publié par : CTA, http://knowledge.cta.int/
Édition : J.A. Francis, CTA
Citation: CTA 2016. http://knowledge.cta.int/, “auteur” consulté le “date.”
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29/04/2016

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