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Horticulture et alimentation

Author: Lusike A. Wasilwa, Ph.D. Directrice adjointe, Horticulture et cultures industrielles, Institut de recherche agricole du Nairobi, Kenya

Date: 05/11/2008

Introduction:

Dans la plupart des pays subsahariens, la productivité agricole est deux à trois fois plus faible que la moyenne mondiale et l’écart de production entre pays en développement et pays développés se creuse. La situation se reflète dans la production de la grande majorité des produits horticoles pour lesquels la productivité par habitant est en déclin. Aujourd’hui, les agriculteurs produisent moins par hectare que par le passé. Une hausse de la production est imputable à une augmentation significative des terres cultivées et non pas à une amélioration de la productivité par unité de surface. Les principaux facteurs qui contribuent à ce déclin sont la pauvreté des sols, la diminution des ressources foncières, le manque d’accès aux systèmes d’irrigation (seulement 4 % des superficies exploitées sont irriguées) et la sécheresse, qui affecte modérément 33 % (ou plus gravement 25 %) des cultures alimentaires. Comment disposer de toutes les connaissances et technologies nécessaires pour augmenter la production et améliorer la productivité, et contribuer simultanément au renforcement de la sécurité sanitaire des aliments, de la nutrition et des revenus en Afrique ? Comment permettre la réalisation d’économies d’échelle ?


 

Obstacles au developpement de l'horticulture

En Afrique subsaharienne, où seulement 10% des terres sont considérées comme cultivables, les produits horticoles sont essentiellement cultivés par les petits (moins de 1 acre) et moyens exploitants (10 acres). Au Kenya, par exemple, les petites exploitations génèrent 40 à 50% des produits consommés localement. Les petits exploitants horticoles sont principalement confrontés aux obstacles ci-après :
• coûts d’intrants élevés
• insécurité
• manque d’infrastructures (bâtiments, ferme, routes)
• services de vulgarisation agricole inadaptés
• manque de sensibilisation sur les possibilités d’accès aux marchés et les normes de marché
• nombre limité d’institutions/organismes agricoles chargés d’assurer une formation spécifique et de diffuser des informations sur l’horticulture, d’où un renforcement minimal des capacités (en particulier dans la production).

Les petites exploitations agricoles qui produisent pour l’exportation sont confrontées à des défis supplémentaires, à savoir :
• manque de précision des données commerciales
• conformité limitée aux dispositions réglementaires, telles que les bonnes pratiques agricoles ou les normes commerciales
• « kilomètres-aliments » et
• augmentation des frais de transport

Utilisation des engrais
En Afrique, les engrais sont très peu utilisés par rapport au reste du monde. Dans les pays subsahariens, seulement 10% des terres sont considérées comme cultivables et certaines cultures à haut rendement « exploitent » davantage les sols. Pendant combien de temps encore l’Afrique parviendra-t-elle à produire suffisamment de nourriture pour nourrir ses populations, en sachant que 20 millions de personnes ont besoin d’une aide alimentaire et que plus de 200 millions de personnes sont vulnérables sur le plan de la sécurité alimentaire ? En outre, la production horticole (comme par exemple les cultures oléagineuses pour la production de biocarburants à l’échelle industrielle) est financée au moyen de fonds limités. Les pays d’Afrique subsaharienne devraient renforcer leurs capacités et mobiliser la masse critique nécessaire pour entreprendre des recherches afin de produire des cultures tolérantes à la sécheresse et souvent peu exigeantes en engrais chimiques. Il convient d’appliquer l’approche chaîne de valeur dans son intégralité, en mettant en exergue les points suivants :
• identification et diffusion des bonnes pratiques agronomiques et post-récolte, et commercialisation
• utilisation de semences et de matériel végétal jugés conformes, certifiés, résistants aux organismes nuisibles et aux maladies pour cibler les exploitants agricoles à travers l’octroi de subventions et la mise en place d’un système de distribution efficace
• faciliter l’accès des exploitants agricoles aux marchés robustes et renforcement des capacités des associations d’exploitants et d’autres parties prenantes clés
• sensibilisation
• renforcement des capacités en gestion de groupe

Biotechnologie
L’Afrique doit sensibiliser ses populations au fait que les bananes développées en culture de tissus ne sont pas des plantes génétiquement modifiées et que pour obtenir le meilleur rendement possible, les plantules doivent être irriguées et fertilisées. En Afrique subsaharienne, la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement suppose que les pays contribuent à la diffusion des sciences et technologies avancées (comme la biotechnologie) dans le but d’accroître la production alimentaire tout en s’efforçant de répondre aux préoccupations liées à la sécurité alimentaire et sanitaire et de préserver l’environnement. La biotechnologie associée au développement du commerce transfrontalier peut être utilisée :
• pour augmenter les production horticoles à forte valeur ajoutée grâce aux technologies de reproduction rapide, comme la micro-reproduction (culture des tissus)
• comme outil de diagnostic rapide des organismes nuisibles et des maladies
• pour étudier la diversité génétique d’organismes pathogènes des végétaux et veiller à ce que les mesures de contrôle appropriées soient mises en œuvre
• pour faciliter le développement rapide de nouvelles variétés grâce à l’utilisation de la sélection assistée par marqueurs.

Sécurité sanitaire des aliments
Les pays en développement qui commercialisent leurs produits agricoles en Europe doivent se conformer aux mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) et au cadre de bonnes pratiques agricoles (GAP). Dans quelle mesure les pays d’Afrique subsaharienne peuvent-ils prétendre mettre en place, adapter et appliquer ce cadre de « bonnes pratiques agricoles » ? En ce qui concerne les produits horticoles à forte valeur ajoutée, les réglementations et les normes internationales en matière de sécurité sanitaire des aliments et de qualité permettront de déterminer les opportunités commerciales mais aussi de protéger la santé des populations exposées. Aussi, ne pourrait-on pas envisager d’appliquer, au niveau national, des réglementations analogues pour les produits destinés à la consommation locale ou régionale et pas seulement aux produits d’exportation, lesquels représentent 1 à 5% de la production horticole totale ? Faut-il encourager l’élaboration de politiques visant à s’assurer que les principes de bonnes pratiques agricoles sont respectés quels que soient les produits ?

Changement climatique
Selon les observations des scientifiques, l’Afrique est le continent qui sera le plus affecté par le changement climatique. Étant donné que les systèmes de production horticole sont basés sur des cultures pluviales, le changement climatique constitue désormais une préoccupation majeure. Il faudrait augmenter les investissements affectés aux systèmes d’irrigation ou aux technologies d’approvisionnement et de collecte de l’eau, et axer la recherche sur le développement de cultures horticoles qui soient profitables aux agriculteurs exploitant des terres arides et semi-arides. Les technologies actuelles ont été mises au point pour les zones à moyen et à fort potentiel.

Des defis a relever

Améliorer la productivité des cultures horticoles
Il est établi que la valeur potentielle de plusieurs autres produits horticoles est 6 fois plus élevée que la valeur potentielle des céréales. Il est donc essentiel pour l’industrie horticole de définir les produits ciblés et les résultats escomptés afin d’accroître la productivité dans les différents sous-secteurs qui affichent un potentiel de croissance. Dans les pays d’Afrique subsaharienne, la plupart des produits horticoles sont vendus sous leur forme brute au prix le plus bas possible, en particulier lorsque la production est excédentaire. La création de valeur ajoutée peut contribuer à l’augmentation des revenus et ainsi permettre de réduire les pertes post-récolte et de prolonger la durée de conservation des produits. Au chapitre des solutions qui peuvent permettre de surmonter les obstacles et de débloquer le potentiel du secteur de l’horticulture dans les pays subsahariens : la formation de puissantes associations de producteurs, d’alliances producteurs/marketing et de groupes de travail composés de producteurs et de chercheurs en mesure d’établir des interactions avec les décideurs politiques. Des investissements substantiels sont nécessaires dans des domaines comme l’irrigation, la biotechnologie, la sélection végétale, les technologies post-récolte, la fertigation, la gestion des organismes nuisibles et des maladies ainsi que la sécurité sanitaire des aliments en vue de pérenniser les indices de croissance prévue.

Investir dans la recherche horticole
Dans la Déclaration de Maputo, le NEPAD a recommandé aux gouvernements africains d’allouer 10% de leurs budgets au développement de l’agriculture. Seuls trois pays y ont consenti : le Malawi, le Nigeria et l’Afrique du Sud. La majorité des pays affecte moins de 1% des budgets nationaux au développement agricole et consacre même une part beaucoup plus faible à la recherche et au développement. Au Kenya, seulement 1% du budget national est alloué au secteur agricole et la part réaffectée à la filière horticole est vraiment infime. Avec une contribution au PIB agricole de 58%, le secteur de l’horticulture pourrait augmenter la part des fonds alloués à la recherche, destinée à accroître la production des cultures horticoles qui jouent un rôle déterminant pour l’alimentation et les recettes en devises. Le Kenya doit consentir à augmenter ses investissements dans la R&D agricole afin de stimuler le développement technologique, véritable catalyseur de la productivité.

Augmentation des prix des aliments et crises alimentaires
Seule une amélioration de la productivité agricole permettrait de résorber l’augmentation des coûts des produits alimentaires. La production horticole du 21ème siècle connaît une croissance moins forte qu’au 20ème siècle. Au Kenya, les prix des principales denrées alimentaires (notamment les huiles végétales) ont considérablement augmenté (33%) entre 2007 et 2008; cette hausse des prix a atteint 97% entre janvier et mars 2007, lorsque les prix des carburants ont augmenté de plus de 30%. Eu égard à la sécurité alimentaire et au développement socio-économique dans les pays subsahariens, on a pu noter un changement significatif des habitudes alimentaires qui pourrait être attribuable à plusieurs facteurs, y compris à une diversification des goûts alimentaires. Dans ces pays, les populations sont vulnérables sur le plan alimentaire et la nourriture consommée contient peu d’éléments nutritifs, d’où le risque d’insécurité nutritionnelle. Pour répondre à leurs besoins alimentaires, ces pays importent notamment des céréales (maïs, riz, blé) et un certain nombre de produits horticoles transformés en provenance de marchés régionaux et mondiaux.

Dans les pays occidentaux, l’utilisation croissante des céréales pour les biocarburants ne permet plus de maintenir ces denrées alimentaires à des prix abordables. Les pays subsahariens devront mettre en œuvre des initiatives visant à optimiser la production horticole, y compris :
• mettre en œuvre des politiques propices à l’échelon national
• favoriser le développement de chaînes de valeur holistiques
• améliorer l’accès aux marchés et réduire les pertes post-récolte
• accorder des subventions aux exploitants agricoles pour leur permettre d’acheter de nouveaux intrants (machines, semences hybrides et engrais)
• promouvoir et faciliter les partenariats public-privé
• augmenter les investissements dans la recherche et les technologies, y compris l’irrigation
• diminuer le coût des matériels agricoles et des technologies post-récolte
• moderniser les systèmes de vulgarisation agricole
• développer de nouvelles cultures/variétés dans les diverses zones écologiques afin de relever les défis du changement climatique; et
• documenter, définir et conserver les variétés indigènes; fruits, légumes, céréales, racines comestibles, herbes et épices.

Capacités humaines et d’infrastructure
Dans les pays d’Afrique subsaharienne, les capacités de recherche et développement sont trop insuffisantes dans de nombreux domaines (notamment la taxinomie, l’amélioration génétique, la biotechnologie végétale et les technologies post-récolte) pour soutenir la croissance des niveaux de production et de productivité. Le personnel n’est pas suffisamment qualifié pour soutenir les projets de recherche actuels et traiter les questions émergentes liées à la production et la protection des cultures, le traitement post-récolte et la création de valeur ajoutée, la commercialisation et la préservation de l’environnement. Les centres de recherche et les universités ne disposent pas de laboratoires équipés de matériel moderne leur permettant de résoudre les problèmes associés à la chaîne de valeur horticole. Les petits producteurs ne peuvent pas se permettre de bénéficier d’une large gamme de services ni d’investir dans les infrastructures nécessaires à la production de cultures à forte valeur ajoutée (Wagner, 2005).

Les scientifiques ne sont pas suffisamment sensibilisés aux nouvelles technologies et techniques pédagogiques actuelles pour améliorer les performances de leurs travaux de recherche. Les décideurs politiques et les directeurs de recherche sont mis au défi de trouver les moyens de soutenir la collaboration internationale en matière de recherche et de travailler en partenariat avec les centres d’excellence en horticulture des pays subsahariens.

Les kilomètres-aliments (carbone)
La question qui fait écho est la suivante : « Les kilomètres-aliments sont-ils des kilomètres équitables » (Anon, 2007) ? Le coût déjà élevé du transport aérien ne cessera de grimper si le prix des carburants fossiles continue d’augmenter, comme nous avons pu le constater avant septembre 2008. Les pays et les consommateurs cherchent à réduire leur empreinte de carbone. Comment les pays subsahariens peuvent-ils souscrire à la campagne lancée par les Kenyans intitulée “grown under the sun” (des fleurs cultivées au soleil) pour identifier leurs produits par un logo visant à informer les consommateurs qu’ils ne contribuent pas à l’effet de serre (Riungu, 2007) ? Il convient de promouvoir l’utilisation de sources d’énergie alternatives, comme le solaire (l’exploitation de Bilashaka possède la plus grande serre solaire jamais construite, à Naïvasha, au Kenya). Il faudra, par ailleurs, favoriser des cultures plus tolérantes à la sécheresse (comme le jatropha) pour la production de biocarburants en vue de faire baisser les prix de vente pratiqués.

Conclusion

Le potentiel que représentent les produits horticoles utilisés pour l’alimentation est largement sous-exploité et sous-estimé. L’augmentation de la productivité implique un accroissement des investissements en R&D (comme la recherche sur les cultures horticoles tolérantes à la sécheresse) ou dans l’irrigation. La biotechnologie (par exemple, la culture tissulaire) peut offrir des perspectives intéressantes, notamment lorsqu’il s’agit d’améliorer la production des cultures horticoles à forte valeur ajoutée, mais celles-ci devront s’accompagner d’une démarche éducative et de vulgarisation sur les possibilités et les conséquences que peut avoir la biotechnologie. Des investissements devront par ailleurs être consentis afin de renforcer les capacités en matière d’infrastructures et de ressources humaines, à travers non seulement l’éducation et la formation mais aussi en sensibilisant les scientifiques aux nouvelles technologies et techniques pédagogiques actuelles dans le but d’améliorer les performances de leurs travaux de recherche. Et cela met au défi la classe politique et les directeurs de recherche de trouver les moyens de soutenir la collaboration internationale en matière de recherche et de travailler en partenariat avec les centres d’excellence en horticulture des pays subsahariens. Il conviendra, en outre, d’encourager ces pays à établir des dispositions sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires et des bonnes pratiques agricoles pour garantir la sécurité sanitaire des produits destinés à la consommation locale et régionale, et assurer la conformité aux normes internationales pour les produits horticoles d’exportation. Toutes ces mesures permettront de concrétiser des opportunités commerciales et de protéger la santé des consommateurs. Le développement de l’horticulture dans les pays d’Afrique subsaharienne et la région ACP répond non seulement aux besoins d’alimentation des populations, mais aussi au développement des activités commerciales.

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References bibliographiques

Anon, 2005. Unifier la filière horticole au Kenya. Horticultural Insight. 1:10-11

Anon, 2007. Les kilomètres-aliments sont-ils des kilomètres équitables ? Horticultural Insight. 6:7-8.

Gouvernement du Kenya. 2008. Projet de stratégie pour le développement de l’industrie du biodiesel au Kenya (2008-2012)

Nandokha, T., Esilaba, A.O., Riungu, T.C. et Wasilwa, L. 2008. Les technologies de biocarburants au Kenya : les efforts du KARI pour soutenir une industrie du biocarburant viable et durable au Kenya. Conférence sur les biocarburants. Ouagadougou, Burkina Faso

Riungu, C. 2007. Le Kenya lance sa campagne “grown under the sun” (des fleurs cultivées au soleil). Horticultural Insight. 6:7-8.

Wagner, B. 2005. La culture biologique au Kenya. Forger le maillon manquant : de nouveaux efforts visant à pérenniser les marchés locaux pour des milliers de petits exploitants agricoles au Kenya.

05/11/2008