Knowledge for Development

Les pratiques agroforestières appliquées aux espèces de cactus en milieu aride

Author: Tesfay Belay

Date: 27/03/2009

Introduction:

Les zones arides d’Éthiopie, qui constituent environ 60 % de la superficie des terres du pays, sont caractérisées par un couvert végétal dégradé, probablement en raison de la culture intensive et du surpâturage. Ces zones présentent une évapotranspiration élevée qui excède les précipitations. Dans ce type d’environnement, les moyens de subsistance dépendent des capacités de résilience pour faire face aux incertitudes liées aux précipitations. Sachant que l’incapacité d’identifier de telles cultures a souvent abouti à des pénuries alimentaires, l’identification d’espèces végétales adaptées, susceptibles de proliférer, d’assurer des productions et de contribuer à l’adoption de meilleures pratiques agricoles viendrait renforcer cette résilience.


 

Le figuier de Barbarie, Opuntia ficus-indica (L.) Mill., est l’exemple typique d’une espèce appropriée pour la mise en valeur des zones arides. Originaire du Mexique, l’espèce fut introduite dans plusieurs régions arides du monde. Caractérisé par une remarquable adaptation à la sécheresse, le figuier de Barbarie est souvent considéré comme une espèce envahissante. Ces espèces sont fréquemment citées dans les programmes conventionnels de contrôle biologique (en Australie, en Afrique du Sud et à Madagascar), qui reposent sur l’introduction planifiée d’insectes afin de contrôler la prolifération des cactus. Depuis l’introduction de la culture du figuier de Barbarie, comme en Afrique du Sud par exemple, ces insectes sont considérés comme des ravageurs. L’intérêt pour les espèces cactées a donc évolué au fil du temps. Cela a pu s’observer à l’occasion de la Journée mondiale de la biodiversité, le 22 mai 2006, qui avait pour thème : « Préservons la biodiversité des terres arides ». Le logo comportait une fleur de cactus qui symbolise, comme l’a dit l’écrivain et photographe Randall Henderson, « le courage qui triomphe d’obstacles effroyables ». L’année 2006 a également été proclamée Année internationale des déserts et de la désertification par les Nations unies.

Fig 1. Mature cactus pear fruits ready for harvesting.

Le figuier de Barbarie est très présent dans de nombreuses régions du nord de l’Éthiopie. Les espèces naturelles de cactus couvrent près de 32 000 ha du territoire, uniquement dans cette partie du pays. Les fruits du cactus sont mangés frais de juillet à septembre (figure 1: Fruits matures du figuier de Barbarie prêts à être cueillis.). Les cladodes (rameaux courts en forme de feuilles) servent à nourrir le bétail et sont également utilisés pour la conservation des eaux et du sol. D’autres utilisations ont récemment été introduites : les nopalitos (jeunes cladodes consommés comme légumes), la confiture et le carmin (pigment rouge issu de la cochenille, un insecte vivant sur les cactus). Avec une teneur en solides solubles totaux (SST), exprimée en degrés Brix, pouvant atteindre 16,5° (tableau 1), les cultivars de figues de Barbarie peuvent être exploités pour l’extraction de sucre ou la production d’éthanol, notamment dans les régions où la production de fruits est excédentaire. Les cactus poussent aujourd’hui à l’état sauvage, mais il conviendrait de les cultiver si l’on veut pérenniser les nombreux avantages de la plante. Il serait possible d’introduire la culture du cactus sous forme de haies ou de cultures intercalaires dans les terres cultivées, en améliorant bien entendu la gestion des cultures fruitières. Cette approche pourrait offrir l’avantage supplémentaire d’atténuer les impacts du changement climatique. Toutefois, aucune pratique agroforestière n’a jusqu’à présent eu recours à cette espèce en Afrique, à l’exception des longues rangées de figuiers de Barbarie qui sont plantés dans de vastes prairies en Tunisie, en Algérie et en Afrique du Sud. Dans le nord de l’Éthiopie, les exploitations agricoles sont souvent entourées de haies de cactus, pas toujours entretenues correctement.

Tableau 1. Teneur en solides solubles totaux des fruits issus de 13 cultivars de cactus locaux du nord de l’Éthiopie.
Cultivars TSS (°Brix)
Gerao 15.33
Naharisa 14.36
Kalamile 14.06
Adomuluhta 13.50
Geleweiti 14.66
Gerwanlayele 14.66
Suluhna 14.66
Hiraydaglayele 14.50
Neitsi 15.00
Orgufa 15.66
Ameudegadobelsa 16.50
Hawawisa 15.33
Asakurkura 15.40

Pratiques agroforestières à base de cactus

Les chercheurs du Centre de recherche de Mekelle ont mené un programme test sur un verger de 11 cultivars de figues de Barbarie. Les espaces entre les plants de figuiers ont été utilisés pour la production de haricots. De petites tranchées de 5 cm de profondeur ont été creusées entre les plants de figuiers pour récupérer l’eau de pluie et irriguer les deux cultures. Le sol a été superficiellement travaillé avant de planter les haricots (figure 2a). La biomasse des cladodes de figuiers, des fruits et des haricots a ensuite été évaluée.

En plus d’une production de haricots nettement supérieure (1 333,30 kg) à l’hectare (figure 2b), une biomasse importante de cladodes de figuiers de Barbarie (914,63 kg) et de fruits comestibles (268,30 kg) a été produite en 8 mois de culture. Le cactus est une plante pérenne qui continuera de pousser, de produire des fruits et de la biomasse pendant plusieurs années. Lorsque les haricots ne sont pas cultivés en intercalaire avec les cactus, le rendement obtenu est nettement inférieur (700 kg/ha). Les cultures intercalaires présentent l’avantage supplémentaire de retenir l’humidité du sol et ont véritablement permis d’utiliser au mieux les faibles précipitations (375 mm) de la saison des pluies 2008 dans la région. Le cactus offre effectivement un potentiel de culture intercalaire et l’association des deux cultures contribue à augmenter la biomasse produite à l’hectare, accroissant ainsi le couvert végétal de la région. Celui-ci joue un rôle essentiel dans les zones arides, où la terre reste nue pendant plus de 7 mois avant la plantation suivante. En tant que telles, les pratiques agroforestières à base de cactus pourraient être une solution adéquate pour répondre aux risques du changement climatique dans les régions arides.

Fig. 2. Cactus pear hedge-row intercropped with haricot bean: a. at planting haricot bean, b. bean nearing maturity. (Note rows used for planting beans and shallow trenches made in between the cactus pear plants).

Figure 2. Système de culture intercalaire comprenant des figuiers de Barbarie et des haricots : a. plantation des graines de haricots ; b. haricots à un stade de maturité avancé. (Remarquez les raies utilisées pour planter les haricots et les tranchées peu profondes entre les plants de figuiers.)

Related documents:

27/03/2009