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Biodiversité, science et gouvernance

Author: Zacharia Magombo

Date: 31/01/2006

Introduction:

La notion de diversité désigne la variabilité des organismes humains de toute origine, y compris, notamment, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie. Elle inclut la diversité au sein des espèces et entre espèces, ainsi que celle des écosystèmes. La biodiversité se trouve partout, y compris dans les habitats terrestres et aquatiques.


 

La biodiversité est le capital biologique naturel de la terre. Elle est à la base de la survie de l'humanité et elle fournit des biens et des services indispensables, en particulier de la nourriture, des combustibles, des médicaments, des abris et du fourrage. La biodiversité maintient les écosystèmes qui entretiennent la productivité biologique, régulent les climats, conservent la fertilité des sols et purifient l'eau et l'air. Elle est importante pour les loisirs, le tourisme, la science, l’éducation, et elle offre aux sociétés humaines des possibilités de s'adapter à des circonstances et à des besoins changeants, et de découvrir de nouveaux produits et de nouvelles technologies. Le développement socio-économique et les stratégies de réduction de la pauvreté dépendent de la biodiversité. La réalisation des initiatives de développement, telles que les Objectifs du millénaire pour le développement, est également liée à la gestion et à l'exploitation durables de la biodiversité.

La biodiversité régresse rapidement sous l’effet de la dégradation des écosystèmes et de la disparition des espèces, qui se produit à un taux environ 100 fois plus élevé que le taux naturel moyen. On ne peut laisser cette tendance se poursuivre. La diversité biologique s’érode par suite de la pollution et des changements apportés à l'exploitation de la terre, des changements climatiques, des espèces invasives et de la surexploitation. Elle est détruite de façon irréversible par les activités humaines qui continuent de modifier l'environnement à un rythme sans précédent, au détriment du développement durable et de la qualité de la vie.

Les causes sous-jacentes de la perte de biodiversité sont d’ordre démographique, économique et institutionnel, et l'exploitation durable des ressources biologiques dépend notamment de la science, de la volonté politique et de la gouvernance. La science engendre de nouvelles connaissances et des découvertes qui permettent à l'humanité de produire davantage avec moins d'efforts, et de tirer efficacement parti de la biodiversité. Il est impératif que les pays ACP investissent davantage dans la science et la technologie. Dans les pays ACP, par exemple, la biodiversité offre un potentiel en tant que source de médicaments, de nourriture et de produits chimiques. Son potentiel est important pour la réduction de la pauvreté et le développement économique. Cependant, ce potentiel n'est pas exploité de façon adéquate dans la région ACP.

La biodiversité et les riches savoirs autochtones détenus par les pays ACP se trouvent encore dans une grande mesure exclus des structures de la production économique officielle. Leurs apports au redressement économique et au développement durable ne sont pas bien connus. Effectuées de manière durable, la prospection de la biodiversité et la recherche d'espèces sauvages, de gènes et de leurs produits offrent à la région ACP de nouvelles possibilités de regarder au-delà des sources traditionnelles de revenus. Elles peuvent ainsi contribuer à la réduction de la pauvreté et au développement durable. Il convient donc de les favoriser une fois que les systèmes juridiques soutenant le processus ont été mis en place.

La problématique de l’exploitation de la biodiversité est associée à des questions diverses: gestion de l'eau, de la pêche et des ressources forestières. Par conséquent, il est important que la science progresse dans les pays ACP afin de contribuer à répertorier et à mieux connaître les nombreuses relations entre les différentes composantes de l’environnement (l'agriculture, le changement climatique, la perte de biodiversité et la désertification, en particulier). Par exemple, des résultats scientifiques récents portent à penser que le changement climatique est susceptible de provoquer des changements du modèle mondial des inondations et de leur intensité dans certaines régions, augmentant ainsi la vulnérabilité des populations à des inondations graves. Les risques futurs potentiels mettent en évidence l'importance des travaux de recherche et des interventions visant à renforcer les capacités locales à faire face aux inondations, notamment les capacités des populations pauvres des pays en développement.

L'exploitation de la biodiversité et des secteurs associés à la biodiversité exige que l'on investisse davantage dans les sciences pertinentes pour l’action publique et dans le renforcement des capacités des institutions à agir avec cohérence et en partenariat. L'expérience a montré que les sciences qui isolent les problèmes et qui ignorent les contextes de l’échelle spatiale n’apportent pas nécessairement de solutions durables. Pour être efficace, la science doit adopter une approche holistique qui prenne sérieusement en compte les aspects socio-économiques. Il est nécessaire de promouvoir une science interdisciplinaire qui renforce les politiques gouvernementales et qui soutienne les négociations et la coopération bilatérales, régionales et internationales, ainsi que le développement des instruments et des indicateurs du marché.

Le nombre des espèces est estimé de 13 à 100 millions, dont environ 2 millions seulement ont été recensées. Il est impossible de mener à bien la conservation et l'utilisation durable des ressources biologiques lorsqu'il existe un tel décalage entre la connaissance de la biodiversité existante et le potentiel qu’elle représente. Si les tendances mondiales de la biodiversité se poursuivent à la baisse, les scientifiques des pays ACP, en particulier les taxonomistes, les chimistes, les biochimistes, les pharmacologues et les biologistes spécialisés en diverses disciplines, notamment en évolution et en écologie, ont la responsabilité d'accroître la collaboration non seulement entre les scientifiques eux-mêmes mais aussi avec les populations locales, en vue d'explorer, de collecter, de caractériser et de préserver la biodiversité.

Actuellement, l'absence de ressources suffisantes entrave l'exploration, la caractérisation et la documentation de la biodiversité, dont le besoin est pourtant urgent. Les capacités humaines et l'infrastructure adéquates souffrent d'une pénurie, surtout dans la région ACP où se trouvent la plupart des zones critiques de la biodiversité. Il est donc indispensable que la communauté internationale, les gouvernements nationaux et les organes régionaux lancent des initiatives globales de renforcement des capacités d'expertise scientifique afin de soutenir des programmes de recherche. Il faudrait accorder une priorité au renforcement des capacités à remédier à la faiblesse du socle scientifique, en particulier en matière de ressources humaines et d'infrastructure, notamment d'équipements de recherche et de cadre législatif.

En ce qui concerne la gouvernance, un des enjeux majeurs réside dans quelque 54 accords internationaux relatifs à la conservation et à l'utilisation durable de la biodiversité. La Convention sur la diversité biologique (CDB) est le plus important et couvre toute la biodiversité. Il convient également de mentionner quatre autres grandes conventions relatives à la biodiversité mondiale : la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (CMS), la Convention sur les terres humides (Ramsar) et la Convention sur le patrimoine mondial (CPCN). À quelques rares exceptions près (celle du Protocole de Montréal, par exemple), ces instruments internationaux se heurtent au même écueil, celui d'une application insuffisante. Les gouvernements nationaux doivent comprendre qu’il ne suffit pas de signer et de ratifier ces instruments, mais qu'il faut les accompagner d'une mise en œuvre. Il est donc de la responsabilité et du devoir des gouvernements de mettre en place des mécanismes qui assurent la mise en œuvre des accords signés et ratifiés.

Le travail à entreprendre au titre de ces conventions consiste en un renforcement complémentaire mutuel. La nature et la complexité de ces instruments internationaux requièrent une approche harmonisée de la législation régissant la conservation et l'exploitation de la biodiversité. Par conséquent, il est primordial d'accorder une attention particulière à la coordination de l'action, à la création de synergies, et d'éviter les répétitions d'activités par les organes respectifs des traités et d’autres partenaires agissant parmi les acteurs non gouvernementaux.

S’il semble y avoir multiplicité des instruments internationaux relatifs à la biodiversité, de toute évidence la mise en œuvre de certaines dispositions de ces instruments peut se révéler ardue. Par exemple, la CDB prévoit le partage juste et équitable des avantages découlant de l'exploitation des ressources génétiques. Toutefois, des analyses récentes ont montré que le partage juste et équitable des avantages peut être entravé par l'absence d'autorité indépendante instituée par la CDB en vue d'imposer des sanctions en cas d'inobservation de ses dispositions ; il peut également être freiné par la position faible des populations locales dans les négociations, le manque d'intégration des savoirs autochtones dans les droits de propriété intellectuelle, et les coûts techniques et financiers associés à la bioprospection. Il incombe aux gouvernements nationaux d'intervenir sur ces points et de mobiliser davantage leurs scientifiques pour des missions de conseil technique. La conservation de la biodiversité et son exploitation durable pour le développement social et économique doivent reposer sur les pratiques locales de gestion de la biodiversité, appliquées par les populations rurales et les peuples autochtones avec les conseils techniques avisés de leurs experts scientifiques et juridiques.

Zacharia Magombo,directeur général adjoint par intérim, Herbier national et jardins botaniques du Malawi

Février 2006

31/01/2006