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Les nanotechnologies au service du développement agricole dans la région ACP

Author: K. Anane-Fenin

Date: 29/04/2008

Introduction:

Le développement des sciences nous a amenés à un point de convergence où les technologies de pointe sont à l’étape de la manipulation d’atomes et de molécules individuels. La nanotechnologie promet de révolutionner les avancées les plus récentes de ces dernières décennies dans les domaines de l’informatique, des technologies de l’information et de la biotechnologie. Autant dire que ses applications devraient avoir des répercussions considérables et permettre notamment de fabriquer des ordinateurs extrêmement plus rapides, des avions plus légers, détecter des tumeurs cancéreuses invisibles à l’œil nu ou mettre au point des cellules solaires très efficaces pour produire de grandes quantités d’énergie et, éventuellement, améliorer l’agriculture (Anane-Fenin, 2006).


 

« Nano » vient du grec nanos, nanus en latin, qui désigne une personne de petite taille, un nain. Nano est un préfixe qui divise par 10-9 (un milliardième) l’unité dont il précède le nom. Pour mieux en apprécier la dimension, pensons que l’épaisseur d’un cheveu humain se situe entre 80 000 nm et 100 000 nm et que le plus petit objet visible mesure 10 000 nm. Les objets nanométriques sont donc trop petits pour être visibles à l’œil nu. A cette échelle, les propriétés physiques classiques (magnétiques et électriques) ne sont plus dominantes ; les interactions d’atomes et de molécules individuels prennent le relais (Foster, 2005). Ainsi, les lois physiques évoluent dans la mesure où la mécanique quantique a mis fin au règne de la mécanique classique développée par Newton.

Définition de la nanoscience et de la nanotechnologie

La nanoscience est une science émergente qui comprend le monde des atomes, des molécules, des macromolécules, des particules quantiques et des assemblages macromoléculaires. Elle constitue un axe de recherche en pleine effervescence au cœur de la chimie, de la biologie et de la physique mais ne relève pas vraiment de l’une ou de l’autre, dans la mesure où il existe une multitude de disciplines scientifiques qui étudient l’univers de l’infiniment petit pour mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons. La nanoscience est un environnement où les effets de surface sont prédominants : forces d’attraction de Van der Waals, liaisons hydrogènes, charges électriques, liaisons ioniques, liaisons covalentes, hydrophobicité, hydrophilicité et effet tunnel en mécanique quantique jusqu’à l’exclusion virtuelle des effets macro, tels que les turbulences et l’inertie. Par exemple, l’augmentation considérable du rapport surface sur volume ouvre de nouvelles possibilités dans le domaine de la science des surfaces, comme la catalyse.

La nanotechnologie constitue un ensemble de technologies permettant d’exploiter des phénomènes et des structures qui n’apparaissent qu’à l’échelle du nanomètre. Le site web de l’Initiative nationale de nanotechnologie des Etats-Unis propose la définition suivante : « La nanotechnologie est la compréhension et le contrôle de la matière à une échelle de 1 à 100 nanomètres, où des phénomènes uniques permettent de nouvelles applications (1)». Taniguchi (1974) définit la nanotechnologie comme « un processus de séparation, de consolidation et de déformation de la matière atome par atome ou molécule par molécule ». Drexler formule explicitement l’idée de base de cette définition dans les années 1980 (1986,1999). Cependant, Feynman est le premier à faire ressortir certains des concepts distinctifs de la nanotechnologie dans son discours intitulé « Il y a beaucoup d’espace en bas » (1961). Feynman décrit un monde où les atomes et les molécules seraient manipulés individuellement et agencés en structures cohérentes de très petite taille. Il remarque par ailleurs que certains éléments pourraient subir des effets d’échelle selon l’importance des différents phénomènes physiques : la gravité tendrait à être moins importante, alors que la tension superficielle et l’attraction relevant des forces de Van der Waals auraient pour effet d’augmenter. Cette idée fondamentale semble tout à fait plausible et l’assemblage exponentiel la renforce avec le parallélisme pour produire une quantité utile de produits finis.

Le microscope à effet tunnel (STM) a été inventé au début des années 1980 par IBM-Zurich en Suisse. Il s’agissait alors du premier instrument capable de « visualiser » les atomes. Inventé quelques années plus tard, le microscope à force atomique (AFM) étend les possibilités et le champ d’investigation des matériaux. Le microscope en champ proche (SPM) a ainsi vu le jour et, depuis lors, une multitude de techniques similaires ont été développées à partir de ces instruments pour permettre de « mesurer » de nombreuses propriétés à l’échelle nanométrique. Les matériaux peuvent avoir des propriétés totalement différentes à l’échelle du nanomètre. On sait à présent que les molécules de carbone à l’échelle nanométrique peuvent former des tubes cylindriques, appelés nanotubes de carbone (CNT), beaucoup plus robustes que l’acier et conducteurs d’électricité, ce qui n’est guère possible avec le carbone provenant du charbon ou des diamants. Depuis leur découverte par Iijima (1991), les nanotubes de carbone ont fasciné la communauté scientifique en raison de leurs propriétés extraordinaires. Les CNT pourraient un jour être à l’origine d’une découverte capitale dans les domaines de la médecine et de l’électronique. L’application du noir de carbone - un matériau composé de nanoparticules à haute teneur en « suie » - dans l’industrie du pneu en est un exemple. Le noir de carbone est incorporé dans les pneus, ce qui augmente considérablement leur durabilité. En 2000, la production mondiale de noir de carbone pour les pneus était de 6 millions de tonnes (Thayer, 2003).

Une nouvelle révolution industrielle

Les nanotechnologies sont présentées comme la nouvelle révolution industrielle. Résolus à conquérir de nouvelles parts de marché, les pays développés et les pays en développement investissent dans cette nouvelle technologie. Actuellement en première position, les Etats-Unis ont mobilisé 3,7 milliards de dollars EU d’investissement sur une période de quatre ans dans le cadre de leur Initiative nationale sur les nanotechnologies (NNI). Le Japon et l’Union européenne (UE) leur emboîtent le pas, avec le déblocage de fonds substantiels – 750 millions et 1,2 milliard de dollars EU respectivement (Commission UE, 2005). La part de la Chine en matière de publications scientifiques sur la science et ingénierie en nanotechnologie est passée de 7,5 % en 1995 à 18,3 % en 2004, propulsant le pays de la cinquième à la deuxième place parmi les leaders mondiaux dans le domaine des nanotechnologies.

Les nanotechnologies représentaient en 2003 un marché mondial de 7,6 milliards de dollars EU. En 2008, il est estimé à 29 milliards de dollars EU et pourrait atteindre 1000 milliards de dollars en 2011 (Business Communication Company Inc. 2006). Beaucoup de choses ont été dites sur le pouvoir potentiel des nanotechnologies à révolutionner les secteurs de la santé, du textile, des matériaux, des technologies de l’information et de la communication et de l’énergie. Un certain nombre de produits issus des nanotechnologies sont déjà sur le marché. Encore à leurs balbutiements, les applications associées aux nanotechnologies dans l’agriculture et l’alimentation seront amenées à transformer radicalement toutes les branches de l’industrie, en changeant la manière dont les denrées alimentaires seront produites, transformées, emballées, transportées et consommées. Le Département de l’agriculture des Etats-Unis a été le premier à explorer les possibilités d’application dans les secteurs de l’alimentation et de l’agriculture (USDA, 2003).

Nanotechnologie et agriculture dans les pays ACP

Dans la plupart des pays ACP (dont 10 pays enclavés, 26 îles et 16 pays classés parmi les nations les moins développées) l’économie repose essentiellement sur l’agriculture. Celle-ci fournit des moyens de subsistance à plus de 60 à 70 % de la population. En 1850, 60 % des travailleurs américains étaient employés dans le secteur agricole ; aujourd’hui, toutefois, moins de 2,7 % des américains exercent directement une activité dans l’agriculture (Fortune, 1993). Dans le même temps, les rendements agricoles ont considérablement augmenté. En 1850, une exploitation agricole produisait suffisamment de nourriture pour subvenir aux besoins de 4 personnes, alors qu’en 1982 un simple exploitant agricole produisait suffisamment pour nourrir 78 personnes (Mécanisation de l’agriculture, 1982). D’un strict point de vue thermodynamique, l’agriculture moderne est sans doute la forme la moins productive de toute l’histoire. Elle prend en compte beaucoup plus d’intrants énergétiques par unité de production que par le passé. En règle générale, un paysan produit l’équivalent de 10 calories de nourriture pour chaque calorie dépensée, alors qu’un exploitant agricole américain, qui utilise toutes les technologies les plus avancées à sa disposition, peut en produire 6000 pour chaque calorie dépensée en travail humain. Et pourtant, le résultat est moins significatif lorsque l’on calcule la quantité d’énergie utilisée pour obtenir le rendement énergétique net (Farb, 1978). Pour produire une boîte de maïs contenant 270 calories, l’exploitant agricole peut utiliser jusqu’à 2790 calories pour faire tourner ses machines et épandre les engrais chimiques et les pesticides. Par conséquent, une exploitation agricole américaine ultramoderne finit par utiliser 10 calories d’énergie pour chaque calorie produite dans le processus (Farb, 1978).

Bon nombre d’anthropologues considèrent cette formidable expansion agricole comme une singulière réussite de l’ère moderne, dopée par le recours plus important au travail mécanisé, l’utilisation massive des carburants fossiles et le recours de plus en plus fréquent aux engrais pétrochimiques et aux pesticides aux fins d’amélioration des rendements (Rifkin, 2002). Le développement économique et la consommation énergétique sont inextricablement liés, tout comme l’énergie et l’agriculture. L’agriculture moderne et l’industrie alimentaire sont tributaires du pétrole et du gaz naturel. Un panel d’experts internationaux a récemment identifié dix applications associées aux nanotechnologies dont pourront très vraisemblablement bénéficier les pays en développement. L’énergie et l’agriculture figurent en tête de liste. La question que soulève la flambée des prix ou les carences de carburants fossiles conduit la plupart des gouvernements à se préoccuper de préserver leurs ressources d’énergie électrique. On oublie souvent que le pétrole et le gaz naturel sont essentiels pour maîtriser la chaîne logistique des produits alimentaires, de leur production jusqu’à leur consommation finale. Si l’une ou l’autre de ces ressources venait à s’épuiser, coûtait plus cher ou était moins accessible, tout autre aspect de la vie quotidienne n’aurait plus la moindre importance. Les surplus alimentaires et la libération de la main d’œuvre rurale, rendus possibles au moment de la révolution industrielle du 20ème siècle, et les progrès accomplis dans les économies de services et de l’information au cours des années qui suivirent, risquent d’être sérieusement menacés. Si, grâce aux nanotechnologies, les pays en développement parviennent à l’autosuffisance énergétique et alimentaire, la communauté scientifique des pays ACP pourra explorer plus avant le potentiel qu’offrent ces nouvelles technologies.

Grâce à la nanotechnologie, il sera possible de réduire l’utilisation des pesticides, d’améliorer les techniques d’élevage et de reproduction végétale ou encore de créer de nouveaux produits nano-bio-industriels. Il sera également possible d’augmenter les rendements et de diminuer les coûts des moyens de production, à travers la rationalisation de la gestion des ressources agricoles et la réduction des déchets et des coûts de main d’œuvre qui en découle, et d’employer des opérateurs de machines agricoles moins qualifiés et, par conséquent, à moindre coût. Les nanosciences ont permis de développer tout un éventail d’applications nanotechnologiques bon marché pour améliorer la fertilité des sols et la production des cultures. Des nanomatériaux ont été mis au point afin de permettre la libération retardée et le dosage efficace des engrais pour les plantes, et des nutriments et médicaments pour le bétail. A cela, il faut encore ajouter des nanocapteurs qui permettent d’améliorer le contrôle de la santé des végétaux et du bétail ainsi que des nano-aimants pour la décontamination du sol. Dispersés à travers les champs, des réseaux de nanocapteurs permettent de relayer des données pour assurer le contrôle des cultures et des sols. Ces capteurs sont capables de contrôler la santé des plantes, par exemple détecter les viroses végétales, ou le niveau des ressources du sol en éléments nutritifs. Des nanoparticules ou nanocapsules pourraient fournir un moyen beaucoup plus efficace pour épandre les engrais et les pesticides, réduire les quantités de produits chimiques déversés dans l’environnement. Des nanopuces implantées dans le corps des animaux utilisées pour identifier et suivre la trace du bétail. Des nanocapsules pour libérer des hormones de croissance ou vacciner le bétail, voire même recombiner l’ADN des plantes in vitro. « L’exploitation des particules » (particle farming) est une technique qui permet de récolter des nanoparticules en faisant pousser des plantes dans des sols spécialement préparés à cet effet. A titre d’exemple, la recherche a révélé que les plantes d’alfalfa, qui poussent dans des sols riches en or, absorbent et accumulent les nanoparticules d’or dans leurs tissus. Il est possible de séparer mécaniquement ces particules d’or des tissus de la plante (Tiju & Morrison, 2006).

Les systèmes d’innovation en nanotechnologies devraient théoriquement aider les pays ACP à mieux contrôler, améliorer ou diversifier leur production agricole. Ils pourraient permettre de fluidifier et de centraliser les processus décisionnels et semblent converger avec la volonté des pays ACP de transformer les pratiques agricoles. Néanmoins, l’exiguïté des fermes, la diversité des systèmes d’exploitation agricole et le sous-investissement dans l’agriculture demeurent des défis qu’il convient d’attaquer de front.

Nanotechnologie et industrie alimentaire

Les applications des nanotechnologies dans l’industrie alimentaire ont véritablement vu le jour avec l’apparition des consortiums pour la qualité et la salubrité des aliments et l’augmentation fulgurante de l’impact médiatique. On les retrouve notamment dans les systèmes de conditionnement « intelligent », la conservation à la demande et les aliments interactifs. Basée sur le concept de l’alimentation à la demande, l’idée de l’alimentation interactive est de permettre aux consommateurs de changer leurs habitudes alimentaires, en fonction de leurs propres besoins nutritionnels et de leurs goûts. Il s’agit de milliers de nanocapsules contenant des saveurs ou des colorants, ou des éléments nutritifs ajoutés (comme les vitamines), qui peuvent rester latents dans les aliments jusqu’à ce qu’ils soient libérés une fois que les nanocapsules sont dissoutes dans l’estomac du consommateur (Dunn, 2004).

Risques et débats éthiques

Les nouvelles technologies peuvent être à double tranchant, chacune ayant ses avantages et inconvénients. Il advient même parfois qu’une technologie déjà disponible sur le marché ne produise pas les résultats positifs escomptés. L’histoire des progrès de l’esprit humain n’est-elle pas l’histoire de notre capacité à pouvoir exploiter les bienfaits de la technologie tout en identifiant, en analysant et en minimisant ses inconvénients d’une manière efficace ? Tous les matériaux et les produits atteindront le moment venu la fin de leur durée de vie utile. Cela signifie que les nanomatériaux manufacturés rentreront en définitive dans les flux de déchets et disparaîtront dans les décharges et les incinérateurs, éventuellement dans l’air, le sol et l’eau. Avec le développement des nanotechnologies, la question est de savoir comment les nanomatériaux seront finalement détruits et traités à la fin de leur durée de vie utile et si le cadre réglementaire applicable prévoit des recommandations concernant les précautions à prendre pour manipuler ces matériaux au cours des différentes étapes de leur cycle de vie. Pour parvenir à ouvrir le champ des nanotechnologies aux pays ACP, il conviendra d’instaurer un débat politique ouvert pour éclairer les pouvoirs publics sur la nature et l’ampleur de la science et la traçabilité des produits, c’est-à-dire le passage de l’exploitation agricole et du laboratoire jusque dans les usines et les rayons de magasins, et leur impact dans l’environnement et dans nos assiettes.

La nanotechnologie, qui sert avant tout de levier multiplicateur aux autres technologies, offre non seulement des performances exceptionnelles mais aussi une fiabilité accrue. Elle peut toutefois présenter un certain nombre de risques spécifiques sur le plan sanitaire et environnemental. Au fur et à mesure qu’évoluent les progrès dans le domaine des nanosciences, les dilemmes d’ordre éthique ayant trait à l’accès au bénéfice ainsi qu’au déploiement de ces technologies seront vraisemblablement beaucoup plus complexes dans les pays ACP. Des principes d’éthique qui véhiculent la confiance du grand public s’imposent aux scientifiques, aux entrepreneurs et aux gouvernements. Parmi les questions d’éthique à aborder, il convient notamment de citer : 1) Qui se chargera d’assurer la prévention et de prendre des mesures face aux dangers possibles sur la santé et l’environnement ? 2) Dans ce contexte du développement et de l’accès aux nanotechnologies, comment définir et faire respecter les droits de propriété intellectuelle ? Dans quelle mesure peut-on garantir le droit du public d’être informé des bienfaits et les risques liés aux nanotechnologies ? Les applications associées aux nanotechnologies doivent être conformes aux exigences réglementaires strictes en matière de santé publique, de sécurité, de protection des consommateurs et de l’environnement ainsi qu’aux considérations éthiques en termes d’impact sur les moyens de subsistance et de résilience économique.

Comment les pays ACP parviendront-ils à acquérir l’expertise nécessaire ?

Un certain nombre de pays en développement ont déjà lancé des initiatives en matière de nanotechnologie. Le département indien des sciences et technologies a prévu d’investir 20 millions de dollars EU au cours des quatre prochaines années. Des pays tels que l’Argentine, le Brésil, le Chili, la Chine, le Mexique, les Philippines, l’Afrique du Sud et la Thaïlande sont tous impliqués dans cette nouvelle recherche fondamentale et ont déjà lancé d’importantes initiatives de recherche en nanotechnologie qui pourraient servir à répondre aux besoins des pauvres. L’Iran a adopté son propre programme sur les nanotechnologies axé sur les applications dans le secteur agricole. Le Ministère iranien de l’agriculture apporte son soutien à un consortium de 35 laboratoires travaillant sur un projet destiné à étendre l’utilisation des nanotechnologies dans le secteur de l’agriculture et prévoit également d’organiser des programmes de formation pour le développement de ressources humaines spécialisées dans ce domaine. Les scientifiques iraniens sont parvenus à développer leur premier produit commercial basé sur des nanotechnologies : Nanocid, un antibactérien puissant ayant un potentiel d’application dans l’industrie alimentaire (Tiju & Morrison, 2006).

L’on s’accorde à dire que les nanotechnologies permettraient d’apporter une multitude de solutions aux problèmes majeurs liés à la pauvreté, mais la question essentielle est de savoir si les pays ACP seront capables de développer suffisamment d’expertise pour prendre part à cette révolution nanotechnologique tant attendue. A partir des expériences relatées dans les pays du Nord, les gouvernements ACP doivent commencer à investir dans les infrastructures de recherche nécessaires ou créer des centres d’excellence dans ce domaine afin d’assurer la formation en nanotechnologie des ingénieurs et des scientifiques qui pourraient être amenés à initier les futurs programmes de recherche à l’échelon national et intervenir à titre d’experts conseils auprès de leurs gouvernements pour faire en sorte que l’application des nanotechnologies devienne une priorité, dans le meilleur intérêt de leur pays. Il faudra également encourager les instituts de recherche ainsi que les universités des pays ACP à créer des départements de nanosciences délivrant des diplômes agréés dans ce domaine. Dans l’espoir de pouvoir bénéficier des quelques mille milliards de dollars EU que génèrera le secteur des nanotechnologies au cours des prochaines années, les pays ACP doivent prendre résolument en main leur destinée. Ils devront pour cela s’entourer d’un maximum de compétences :

  • des scientifiques, des ingénieurs et des chercheurs capables de dynamiser la recherche de pointe afin de rester compétitif dans l’économie mondiale ;
  • des industriels et des entrepreneurs ayant pour mission de traduire les découvertes scientifiques en produits et services concrets ;des ingénieurs et des techniciens possédant des compétences techniques dans les technologies de fabrication de pointe ; et
  • des entrepreneurs dotés des compétences techniques, commerciales et culturelles nécessaires pour gérer les processus d’innovation multidisciplinaires très complexes qui émergent un peu partout.

Un des rôles majeurs de l’Etat consiste à promouvoir les progrès de la science et des arts utiles. Etant donné que les sciences et technologies deviennent un enjeu fondamental pour le destin des pays et le bien-être de leurs populations, les gouvernements ACP doivent réaffirmer leur engagement total à travers le financement approprié de la recherche-développement, de l’éducation et des infrastructures de recherche indispensables, et la mise en place de mesures destinées à promouvoir de manière efficace le transfert d’un « savoir spéculatif vers un savoir utile » en faveur des industries privées. Le rôle fondamental de l’Etat dans le domaine des nanosciences et nanotechnologies est d’appuyer les activités de recherche-développement, y compris la recherche fondamentale à long terme, et le développement d’applications qui répondent à des besoins prioritaires spécifiques à l’échelon national. L’Etat a également un rôle clé à jouer dans l’appui aux institutions d’enseignement supérieur : production de ressources éducatives, formation de personnel qualifié et développement d’infrastructures et d’outils d’appui (par exemple, du matériel et des instruments pour laboratoires) nécessaires pour permettre à la communauté de chercheurs universitaires et leurs partenaires externes de faire progresser les nanotechnologies.

L’utilisation de matériels et instruments complexes et onéreux dans le cadre de la recherche-développement en nanosciences et nanotechnologies montre la nécessité pour les gouvernements de mettre en place les instruments politiques nécessaires pour faciliter la coopération nationale, Nord-Sud et Sud-Sud en matière de recherche. La science n’est pas seulement un art, elle est aussi devenue un énorme business. La science d’aujourd’hui produit la technologie de demain. Aucune organisation n’est en mesure de promouvoir et soutenir de manière pérenne la science dans leurs pays respectifs, à l’exception des gouvernements et de la communauté scientifique des pays ACP qui travaillent en collaboration avec les organisations de la société civile et les partenaires régionaux et internationaux. Il faut mobiliser les connaissances scientifiques nécessaires en vue d’accroître la productivité nationale et promouvoir la prospérité, ce qui est porteur d’espoir pour l’avenir. Un espoir qui, peut-être au cours des prochaines années, favoriserait la croissance et la prospérité socio-économique de la région ACP par l’augmentation des investissements aux fins du renforcement des capacités scientifiques.

K. Anane-Fenin, Département de physique, Université de Cape Coast, Cape Coast, Ghana

References

Business Communication Company Inc 2006. Le marché mondial des nanotechnologies atteindrait 29 milliards de dollars EU en 2008.

Drexler, K.E. 1986. Les moteurs de la création. New York Anchor Press/Doubleday.

Drexler, K.E. 1999. Building Molecular Machine systems. Trends in Biotechnology, 17:3-7.

Dunn, J. 2004. Une mini-révolution. Industrie alimentaire.

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Farb, P. 1978. Humankind. Boston Houghton Mifflin. Pages 137,158-159.

Feynman, R. 1961. Il y a beaucoup d’espace en bas : le point de départ d’un nouveau domaine de la physique. In H.D. Gilbert (Ed), Miniaturization. New York Reinhold.

Fortune, 1993. Why Job Growth Is Stalled. 8 mars, p.52

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Tiju, J & Morrison, M. 2006. Les nanotechnologies dans l’agriculture et l’alimentation. Portail européen sur les nanotechnologies. Rapport du Nanoforum, p. 6,12.

USDA, 2003. Nanosciences et ingénierie pour l’agriculture et les systèmes alimentaires. Département de l’agriculture des Etats-Unis.

Notes

1. http://www.nano.gov/html/facts/whatIsNano.html

29/04/2008