Knowledge for Development

L’innovation technologique au service du développement économique

Author: Christopher J. Chetsanga, Université du Zimbabwe, Hararei

Date: 15/12/2004

Introduction:

Des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent aujourd'hui au sein de la jeune génération africaine, et probablement dans tous les pays de la région ACP, contre l'absence de développement industriel et économique perceptible dans leurs pays. Le renouveau de la science, de la technologie et de l'innovation vise à créer des environnements nationaux qui favorisent la prospérité économique, la sécurité alimentaire, la bonne gouvernance, la santé publique et la qualité de la vie de la population. Cet article met en évidence les écueils auxquels se heurte la région africaine pour développer une culture de l'innovation et stimuler l'industrialisation.


 

1. Introduction

Des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent aujourd'hui au sein de la jeune génération africaine, et probablement dans tous les pays de la région ACP, contre l'absence de développement industriel et économique perceptible dans leurs pays. Certains jeunes Africains affirment qu'ils ne voient pas de réelles perspectives de prospérité, ni d'avenir sans pauvreté. Cette inquiétude s'explique par le fait que la majorité des États africains, autres que l'Afrique du Sud, n'ont pas enregistré de grandes avancées sur la voie de l'industrialisation contemporaine, en particulier dans le domaine du développement agricole. L'objectif de la sécurité alimentaire est demeuré inaccessible parce que la région n'a pas atteint les niveaux requis de productivité agricole et qu'elle n'a pas non plus effectué d'investissements importants dans les activités de transformation en aval ni dans les autres industries liées au secteur agricole.

Le déficit de développement industriel dans les États ACP a engendré un taux de chômage élevé qui a provoqué à son tour une fuite des cerveaux, d'ampleur variée, dans différents pays. De nombreux pays ACP ont créé des universités à grands frais pour l'État, mais ne sont pas en mesure d'offrir aux jeunes ayant suivi une formation supérieure des emplois leur permettant de pourvoir à leur subsistance et de rester dans leur pays. S'ils bénéficiaent d'incitations et disposaient de moyens adéquats, les diplômés de l'enseignement supérieur formés dans les disciplines de la science et de la technologie (S&T) pourraient constituer le moteur de l'innovation dans le pays. Le franchissement de certains seuils de compétence dans le domaine scientifique et technologique augmente la capacité d'innovation d'un pays et lui permet d'affronter la concurrence mondiale et de se hisser au rang de grande société du savoir.

Cet article met en évidence les écueils auxquels se heurte la région africaine pour développer une culture de l'innovation et stimuler l'industrialisation. On s'accorde à penser que les arguments présentés en faveur des États africains s'appliquent globalement aux autres régions ACP. Le renouveau de la science, de la technologie et de l'innovation vise à créer des environnements nationaux qui favorisent la prospérité économique, la sécurité alimentaire, la bonne gouvernance, la santé publique et la qualité de la vie de la population.

De nombreux pays africains n'ont pas les moyens de progresser réellement vers lindustrialisation. Le succès de l'industrialisation moderne passe par :

  • un environnement propice à l'innovation ;
  • des moyens de production, en particulier une expertise scientifique et technologique ;
  • des capitaux à investir ;
  • le rétrécissement du fossé informatique par l'acquisition de technologies de l'information et de la communication (NTIC).

2. Fixer les priorités nationales dans le dialogue

Pour poursuivre une stratégie efficace d'industrialisation, un pays doit formuler ses orientations suivant un processus consensuel, afin que toutes les parties prenantes dressent d'un commun accord l'inventaire des actions à entreprendre pour leur mise en oeuvre. Le processus doit être assorti d'objectifs prioritaires réalistes.

Les personnes participant au dialogue au cours duquel les orientations et les priorités sont définies devraient inclure des représentants d'un large éventail de parties prenantes, des décideurs du plus haut niveau (ministères des Finances, de l'Éducation, de la Science et de la Technologie, de l'Agriculture), des représentants du secteur privé, de la communauté des chercheurs, de l'industrie, du monde du travail, des agriculteurs et d'autres entrepreneurs du secteur agricole. Il faut veiller à ce que les femmes et les jeunes soient suffisamment représentés.

Il est important que toutes les parties au dialogue s'engagent à respecter les grandes lignes qui seront arrêtées. Les ministères doivent se voir assigner une mission déterminée pour poursuivre la mise en oeuvre des orientations. Celles-ci doivent prévoir des possibilités d'adhésion de parties prenantes issues du secteur privé et inclure des dispositions qui favorisent et appuient les innovations technologiques visant à améliorer la productivité agricole et à soutenir les activités de transformation en aval et les activités connexes du secteur agricole.

3. Soutenir la mise en oeuvre des orientations

Le lancement d'une action nationale en faveur de l'industrialisation doit être sous-tendu par une ligne directrice bien arrêtée en matière d'innovation. Il faudra peut-être envisager au début un programme de renforcement des capacités dans le domaine des compétences technologiques requises pour absorber la technologie importée, utilisée sous licence ou après paiement de droits de brevet. Il peut également être nécessaire de promouvoir la diffusion de la technologie nouvellement acquise, développée ou adaptée, auprès des parties prenantes intéressées. Les avantages économiques qui découlent de ces systèmes de production reposant sur le savoir peuvent entraîner le développement économique d'une société.

Une forte culture nationale de l'innovation peut tout à fait permettre d'affronter la concurrence agressive qui caractérise actuellement les marchés mondialisés. La plupart des produits ont un cycle de vie commerciale bref et nécessitent des mises à jour constantes pour conserver leur attrait commercial. En développant la capacité de revoir sans cesse la conception d'une ligne de produits, l'innovation augmente les perspectives d'acquérir des avantages commerciaux comparatifs.

L'appui à un programme d'innovation exige que la recherche et le développement (R&D) bénéficient de mesures d'encouragement et d'un financement approprié. Une action de cette nature renforcera les compétences techniques du pays et, plus particulièrement, des professionnels de la R&D. De bonnes rémunérations, assorties d'avantages extra-salariaux et d'incitations, aideraient à retenir les jeunes talents sur place, afin qu'ils se concentrent sur la conception de produits innovants contribuant au développement économique du pays.

4. Répondre aux besoins d'innovation

Je viens de prendre ma retraite du Centre de la recherche scientifique et industrielle et du développement (SIRDC) du Zimbabwe où j'ai, le premier et pendant 10 ans, assumé les fonctions de directeur général. Le SIRDC a été créé à la suite d'une recommandation formulée à l'issue d'un processus de consultation de trois années pendant lesquelles des parties prenantes de tous les secteurs de l'économie zimbabwéenne se sont engagées dans plusieurs dialogues en vue de déterminer le système de R&D et d'innovation répondant le mieux aux besoins du pays. Depuis sa création, le SIRDC a bénéficié d'un bon soutien et de francs encouragements de la part des dirigeants et des industriels du pays. Ils comptaient tous parmi les parties prenantes qui avaient recommandé la création du SIRDC. Jusqu'à ce jour, les parties prenantes sont satisfaites de la contribution apportée par le SIRDC au développement technologique du pays.

Le SIRDC a dû son succès aux intrants issus des dialogues portant sur la politique de S&T et des forums de fixation de priorités tenus avant sa création, ainsi qu'aux enseignements tirés du réseau de centres de R&D en Asie du Sud-Est. Pendant la deuxième année de mon mandat de directeur général du SIRDC, je me suis rendu dans plusieurs centres de recherche S&T en Extrême-Orient. Je citerai en particulier l'Institut de recherche de technologie industrielle à Taïwan, le Centre de recherche Tsukuba au Japon, l'Institut coréen de science et de technologie (KIST) en Corée du Sud, l'Institut danois de technologie (DTI), l'Institut de normalisation et d'investigation industrielle de Malaisie (SIRIM), et le Conseil de la recherche scientifique et industrielle (CSIR) en Inde. J'ai bénéficié de l'expérience de ces organismes en matière de R&D et j'ai utilisé ce trésor d'information pour concevoir le cadre institutionnel du SIRDC zimbabwéen.

J'ai ensuite étendu ma recherche d'acquisition d'expérience en effectuant des visites de durée variable au Fraunhofer-Gesellschaft, en Allemagne, à l'Organisation néerlandaise de la recherche scientifique appliquée (TNO) et à la Fondation pour la recherche scientifique et industrielle (Sintef) de Norvège. Les différents instituts de ces organismes mondialement réputés de R&D nous ont généreusement fait partager leur expérience. Étant donné qu'on ne peut pas transposer des situations d'un pays à l'autre sans y apporter de modifications, nous avons estimé qu'il fallait adapter ces scénarios au contexte du Zimbabwe.

Le SIRDC comporte plusieurs unités, pilotée chacune par un directeur et possédant chacune ses propres chercheurs :

  • Institut de recherche biotechnologique
  • Institut de technologie alimentaire et biomédicale
  • Institut de technologie du bâtiment
  • Institut de technologie de l'énergie
  • Institut d'environnement et télédétection
  • Institut d'électronique et communication
  • Institut d'informatique
  • Institut de recherche métallurgique
  • Institut national de métrologie
  • Institut d'ingénierie de production.

5. Soutenir le financement de la chaîne de l'innovation

L'État doit créer un environnement propice aux interactions libres et créatives entre les organismes de R&D et les industriels : favoriser la participation du secteur privé au financement des activités de R&D à l'aide de mesures incitatives, y compris dans le domaine fiscal ; encourager et aider matériellement le personnel des universités, des instituts de recherche et des entreprises à suivre des formations à l'étranger pour développer leur expertise et leurs capacités technologiques afin de pouvoir répondre aux besoins du pays en matière d'innovation. Il est possible d'atteindre ce but à condition que les moyens d'action et les instruments prioritaires bénéficient du soutien des instances les plus élevées de l'État.

Pour garantir que le système d'innovation favorise un développement économique et industriel durable, les orientations choisies doivent assurer un équilibre entre la recherche fondamentale, la recherche appliquée et la recherche axée sur le pays. Stimulées par l'innovation, la productivité et la diversification des lignes de produits peuvent parfaitement satisfaire les besoins nationaux.

Ressources utiles sur le Web

A 2020 Vision for Food, Agriculture and the Environment in Latin America, ed. James L. Garrett, IFPRI 2020 Discussion Paper No. 6, 1995.
Biodiversity, poverty and urban agriculture in Latin America, Alain Santandreu, Urban Agriculture Magazine No. 6, Resource Centre on Urban Agriculture and Forestry (RUAF), 2002.
Biotechnology and Sustainable Agriculture: Policy Alternatives, NABC Report 1.
Gender Issues in Agricultural and Rural Development Policy in Asia and the Pacific, FAO Regional Office for Asia and the Pacific (RAPA).
Gender, Science and Technology Gateway.
Commonwealth Partners for Technology Management (CPTM).

15/12/2004