Parmi les nombreuses stratégies mises en œuvre figurent :
- la création de centres de reproduction d’entomopathogènes et d’entomophages dans les principales zones agricoles, les villes et ailleurs ;
- la création de banques de protéines pour les différentes espèces de légumes et de bovins ;
- la mise en place en milieu urbain et périurbain d’unités pilotes modulaires permettant de présenter la culture de légumes sur substrat organique, des systèmes de production maraîchère intensive, des parcs d’embouche dont le substrat est composé d’éléments biologiques d’origine locale et des unités d’élevage où poulets, poissons et autres animaux sont nourris de produits locaux ;]\
- l’irrigation nocturne au moyen de pompes électriques, lorsque la consommation électrique est faible par ailleurs (vers minuit) ;
- la production d’humus dans des endroits choisis, des déchets d’origines diverses vermicompostés.
On demande sans cesse aux chercheurs de démontrer l’impact de leur travail sur l’augmentation de la productivité dans les exploitations. Deux approches ont été adoptées : l’une, au sein des institutions de recherche et des universités, vise àinciter la communauté des chercheurs àtravailler avec les agriculteurs ; l’autre vise àaméliorer l’interface entre les décideurs, les agriculteurs et les chercheurs pour que le soutien aux transferts de technologie soit intégré au contexte politique de façon àce que les résultats de la recherche aient un impact accru sur les pratiques agricoles.
Mesurer l’impact
Il est largement admis que les indicateurs utilisés pour mesurer l’impact de la recherche et de la technologie ne devraient pas être figés, compte tenu de l’aspect multidimensionnel de la science. Les indicateurs devraient refléter l’impact sur la totalité du système car la recherche et la technologie apportent leur contribution au développement socio-économique ; cet aspect n’a pas encore été pris en compte àsa juste mesure (Sancho, 2000). Le nombre de publications dans des revues référencées et la mesure quantitative et qualitative des ressources humaines disponibles sont certes importants, mais ils ne suffisent pas àmesurer le succès de l’effort de recherche.
L’usage prédominant de certains indicateurs est sujet àcontroverse ; il a été démontré qu’un nombre substantiel de publications scientifiques et de dépôts de brevets est loin de permettre de déterminer les progrès apportés àun secteur ou àla société. López Cerezo et Luján (2002) ont expliqué que c’est une mesure faussée des résultats de la recherche si ces résultats ne sont pas adaptés àla demande du secteur de production. En d’autres termes, les chercheurs doivent travailler de façon àce que les résultats scientifiques de chaque projet de recherche aient un impact sur leur objet. L’avancée des connaissances n’a pas forcément d’impact sur la création de richesses, mais c’est pourtant cette dernière qui doit être prise en compte pour évaluer le succès de l’innovation technologique (López Cerezo et Luján, 2002). À partir de 199 les indicateurs de l’innovation technologique ont été recherchés dans plusieurs directions (OCDE, 1992). L’attention croissante portée àla scientométrie a entraîné une incorporation de ces éléments àla mesure du développement technologique (Plaza et Albert, 2002).
Les indicateurs utilisés pour l’évaluation des succès de la science et de l’innovation dans les universités et les centres de recherche cubains sont basés sur cinq critères (González et al., 2002), àsavoir : (1) de pertinence (les prix et distinctions attribués àl’activité scientifique àdifférents niveaux) ; (2) scientifique (index bibliographique) ; (3) technologique (nombre de brevets et d’enregistrements d’équipements, de produits et de logiciels) ; (4) de profitabilité (les ressources financières résultant de la vente de technologies, de logiciels, de projets ou de conseil scientifique et technique) ; (5) d’impact (les changements apportés àl’environnement par les résultats scientifiques).
Il convient de noter que l’impact est vu comme un changement, ou un ensemble de changements durables, apportés àl’économie, àla société, àla science, àla technologie et àl’environnement, avec pour conséquence une performance accrue. C’est la combinaison recherche, développement et innovation technique (R + D + TI) qui apporte une valeur ajoutée au produit, au procédé, au service ou àla technologie. Certains l’évaluent en fonction des améliorations àla qualité de vie, d’autres en termes de développement du secteur ou de l’économie. Quel que soit le point de vue d’où l’on se place, il est évident que c’est la façon dont la société les perçoit qui pèse sur l’adoption des résultats en question, et que par conséquent leur interprétation est multifactorielle et multidimensionnelle, comme décrit par Mainieri (2002).
L’évaluation de l’impact des résultats de recherche doit donc prendre en considération leur contribution aux secteurs de l’économie et leurs répercussions économiques et sociales ; en pratique, tout cela manque cependant de précision. La méthodologie d’évaluation et l’interprétation des résultats sont loin d’être évidentes. L’évaluateur doit être convenablement qualifié. En matière de gestion de la recherche, il est très important de comprendre l’essence de l’agriculture et des pratiques culturales en vigueur pour être capable d’apprécier l’impact du travail des universités et des centres de recherche lors de l’introduction de produits, de services, de procédés ou de technologies. Il est également essentiel d’intégrer les organisations et d’établir des alliances avec tous les acteurs (Mato et al., 2001).
L’impact de l’avancée scientifique et le transfert de technologie àl’université doivent être orientés vers des activités susceptibles de transformer l’environnement agricole. Des résultats de ce type ont été mis en évidence par De Souza et al., 2003. À Cuba, les débats sur les problèmes de production du secteur agricole se déroulent lors des réunions de pôles regroupant tous les acteurs. Dans la province de La Havane, par exemple, il existe cinq pôles :
- le pôle « animaux » ;
- le pôle « agronomie ;
- le pôle « petit élevage » ;
- le pôle « économie » ;
- le pôle « social et développement des communautés rurales ».
Les réunions se tiennent chaque mois et les sujets de discussion sont identifiés par les décideurs du secteur agricole, le comité scientifique provincial et les dirigeants des organisations agricoles, chacun disposant d’une voix lors des délibérations. Grâce àcette structure, les centres de recherche ont été en mesure d’adapter leurs projets et d’obtenir des résultats ayant des effets sur la production.
Les résultats de l’effort de recherche àCuba ayant un impact sur le secteur comprennent l’introduction de meilleurs produits et technologies, des services scientifiques et techniques et la formation de diplômés, de postdoctorants et de spécialistes. En voici quelques exemples.
Agriculture de précision – Dans le sud de La Havane, des cartes des rendements de la pomme de terre ont été dressées trois ans de suite afin d’en étudier la variabilité. On a pu, grâce àces données, définir une utilisation raisonnée des engrais.
Amélioration de la gestion de la salinité des sols – Les zones de culture de la canne àsucre ont été classées en fonction du comportement hydraulique du sol, de sa salinité et de sa teneur en matière organique àl’aide d’outils informatiques. Cela a permis d’émettre des recommandations àl’industrie sucrière pour un meilleur ciblage des plantations. Une méthodologie a été également mise en place, faisant appel àla télédétection, aux systèmes d’information géographique (SIG), àla géostatique et àdes sondes de mesure de la conductivité : on a ainsi pu établir des cartes de salinité.
Gestion intégrée de l’eau – La variabilité spatiale et temporelle des paramètres hydrauliques d’une région située au sud de La Havane a été évaluée grâce àla modélisation, aux techniques de géostatique et aux SIG. Une carte de niveau de la nappe phréatique a été dressée, qui montre les zones où la ressource en eau est surexploitée. Des recommandations ont également pu être faites concernant les meilleurs emplacements de futurs forages.
Gestion des ressources naturelles – Toutes les informations permettant d’aider àla gestion des exploitations (cartes topographiques et pédologiques, cadastre, rendements, types de culture, engrais, etc.) ont été numérisées et intégrées dans un sytème de gestion de l’information.
Engrais naturel – Le Biostan, qui contient des acides humiques, des phytohormones et des minéraux, a été mis au point et appliqué àla tomate, àl’ail, au haricot noir, au soja, au maïs, àl’oignon, au concombre, au tabac et àla banane, avec des accroissements de rendement allant de 10 à50 %.
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Balance électronique de pesage des animaux | ||||
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Plateaux de transport de containers | ||||
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Pelletiseur àsemences |
Nouvelles technologies – Des procédures ont été mises au point, qui combinent ennemis biologiques et faibles quantités de pesticides chimiques pour une lutte intégrée contre les ravageurs. La propagation in vitro du bananier et la multiplication des clones àl’unité de production biologique de La Havane ont permis l’introduction de nouveaux clones dans le secteur rural. Des systèmes intégrés pour la production durable de lait ont été mis au point et appliqués dans des exploitations des zones de production laitière.
Ce sont làquelques exemples de l’impact qu’ont eu les stratégies adaptées de science et technologie sur le système de production agricole cubain.
Bibliographie
De Souza Silva J., Cheaz J., Calderón J., 2003. Strategic Management of Institutional Change Capacity Development Using Agro-Food Chain Analysis at the Swine Research Institute, Cuba. Pilot Exercise on Sharing Institutional Innovation. http://www.isnar.cgiar.org/shiip
González Rodríguez W., Benitez Cárdenas F., García Cuevas J.L., 2002. La utilización de un sistema de indicadores de ciencia y tecnología para la gestión de la actividad de investigación en las universidades cubanas. Indicadores de Ciencia y tecnología en Iberoamérica. Agenda 2002 Ed. Red Iberoamericana de Indicadores de Ciencia y Tecnología. ISBN 987-20443-0-9.
López Cerezo J.A., Luján J.L., 2002. Observaciones sobre los indicadores de impacto social. Indicadores de Ciencia y tecnología en Ibero América. Agenda 2002 Ed. Red Iberoamericana de Indicadores de Ciencia y Tecnología. ISBN 987-20443-0-9.
Maineri, Milagros, 2002. La situación actual de la tecnología científica en Panamá. Radiografía de la ciencia y la tecnología en Panamá. Indicadores de Ciencia y tecnología en Iberoamérica. Agenda 2002 Ed. Red Iberoamericana de Indicadores de Ciencia y Tecnología. ISBN 987-20443-0-9.
Mato J. Santamaría, de Souza Silva J., Cheaz J., 2001. (The dimension of management in the construction of the institutional sustainability). La dimensión de gestión en la construcción de la sostenibilidad institucional http://www.isnar.cgiar.org/npp Serie: Innovación para la Sostenibilidad Institucional.
OCDE, 1992. Principes directeurs proposés pour le recueil et l’interprétation des données sur l’innovation technologique, 2e édition, Manuel d'Oslo OCDE, Paris. ISBN 92-64-15464-7.
Plaza L.M., Albert A., 2002. La ciencia básica al servicio del desarrollo tecnológico. Principales indicadores para países de América Latina. Indicadores de Ciencia y tecnología en Ibero América. Agenda 2002 Ed. Red Iberoamericana de Indicadores de Ciencia y Tecnología. ISBN 987-20443-0-9.
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