Knowledge for Development

Promouvoir l’approche basée sur les systèmes d’innovation agricoles : perspectives d’avenir

Author: Riikka Rajalahti, Sr. Agricultural Specialist, Innovation Systems, Agriculture and Rural Development Department, the World Bank

Date: 30/06/2009

Introduction:

La plupart des stratégies visant à promouvoir un développement agricole durable à l’échelon national s’accompagnent régulièrement de programmes d’investissement dans les systèmes de connaissances. La Banque mondiale a investi à elle seule plus de 2,5 milliards de dollars EU dans la R&D agricole et les services consultatifs au cours de ces 20 dernières années. Nombre de ces investissements ont généré des gains intéressants et ont contribué à la croissance pro-pauvres. Nous sommes parvenus en quelque sorte à renforcer les systèmes de recherche et à améliorer les connaissances existantes, même si cela n’a pas forcément contribué à augmenter l’utilisation effective de ces connaissances et de l’innovation. La productivité agricole reste souvent entravée par l’absence de technologie appropriée ou le manque d’accès à la technologie, aux intrants, aux services et au crédit, et par l’incapacité des agriculteurs à assumer les risques. En outre, le manque d’information et de compétences contraint les agriculteurs à l’adoption des technologies et pratiques de gestion disponibles ou réduit leur efficacité lorsqu’elles sont adoptées. Afin de remédier à ces lacunes, le centre de nos préoccupations est progressivement passé du renforcement des systèmes de recherche et des transferts de connaissances au développement des capacités d’innovation, à l’amélioration de l’utilisation des connaissances et à la création de dynamiques de changement social et économique.


 

Outre ces efforts destinés à réformer et à améliorer les systèmes de connaissances, le contexte et l’intensité des connaissances dans le secteur de l’agriculture ont connu une rapide évolution. Autrement dit, les facteurs d’innovation évoluent très rapidement. Le secteur de l’agriculture connaît un développement accéléré sous l’effet conjugué de la mondialisation, de l’urbanisation et des marchés plutôt que de la production ; le rôle du secteur privé dans les processus de connaissances (génération, utilisation et dissémination) s’est accru de manière significative ; les TIC ont radicalement changé la dynamique et la capacité d’accès aux connaissances et à l’information ; la structure de la base de connaissances en agriculture évolue – les connaissances sont de plus en plus tributaires d’une multitude de fournisseurs, et pas seulement des organisations publiques ou d’autres organismes de R&D agricole (adapté de la Banque mondiale 2006).

Ces différentes considérations mettent en exergue des défis et des opportunités pour les systèmes de connaissances. Les questions importantes qui se posent ici sont les suivantes : Comment maintenir la durabilité de la base de la production agricole ? Comment favoriser le développement d’une chaîne de valeur efficace et conserver notre compétitivité ? Comment tirer parti des nouvelles plates-formes technologiques (TIC et biotechnologie) ?

Pour pouvoir s’adapter, faire face à la concurrence et survivre dans un contexte qui évolue, les agriculteurs, les entreprises et les pays doivent innover en permanence. Mais qu’est-ce que l’innovation ? L’innovation correspond par définition à la création et à l’utilisation de connaissances issues de sources différentes (adapté de Mytelka 2000). L’innovation crée de nouvelles connaissances qui s’additionnent généralement aux connaissances existantes. Celles-ci découlent, par exemple, de changements progressifs induits par la technologie, la transformation, la gestion organisationnelle et/ou l’imitation créative. Mais comment créer un climat d’investissement propice à l’innovation ? S’ils continuent de jouer un rôle important dans la R&D, les services de vulgarisation et l’éducation, les investissements restent néanmoins insuffisants pour répondre aux défis d’aujourd’hui et à l’évolution rapide du contexte agricole. Il conviendrait d’envisager une approche plus flexible qui permette de répondre à ces besoins et qui favorise la génération et l’utilisation des connaissances, ainsi que l’innovation, dans différents contextes. L’adoption d’une telle approche pourrait utilement s’inspirer de l’approche basée sur les systèmes d’innovation qui, par ailleurs, a été popularisée dès les années 1970-1980 et tire son origine de l’économie évolutionnaire (Freeman 1987; Lundvall 1992).

Les études sur l’innovation montrent que la capacité à innover est souvent liée à l’action collective et au partage de connaissances entre les différents acteurs, à des mesures incitatives et aux ressources disponibles qui ont été investies dans des actions de collaboration, et à la création d’un cadre propice à la production d’idées et d’innovations par différents acteurs (par exemple, les agriculteurs et les entrepreneurs) (Banque mondiale 2006). Un certain nombre d’exemples présentés dans l’encadré 1 fournissent des informations concernant l’origine des innovations dans l’agriculture.

Encadré 1. Exemples de systèmes d’innovation agricoles

Certains exemples sont tirés des travaux récents menés par la Banque mondiale, d’autres soulignent la diversité des configurations des réseaux qui sous-tendent les systèmes d’innovation. Un système d’innovation n’est pas un schéma reflétant une nouvelle façon d’organiser l’innovation – il s’agit plutôt d’une approche conceptuelle qui permet d’adapter les activités sur la base du contexte et de la phase de développement. La liste ci-après propose différents exemples – dans certains cas, la croissance du secteur a été induite par divers facteurs de la demande et le secteur privé a joué un rôle essentiel à cet effet. Dans d’autres cas, la croissance du secteur a été stimulée par l’intervention des pouvoirs publics (politiques, R&D et autres mesures incitatives).

Système d’innovation pour la transformation du manioc (Ghana)

  • Développement orienté vers la recherche et promotion de nouveaux produits à base de manioc avec des coalitions du secteur privé

Système d’innovation pour le secteur des fleurs coupées (Colombie)

  • Innovation continue afin de répondre à l’évolution des marchés, stimuler l’exploitation des technologies étrangères cédées sous licence, sous la coordination d’une association industrielle

Système d’innovation pour le secteur des plantes médicinales (Inde)

  • Mobilisation de connaissances traditionnelles et scientifiques au profit des communautés rurales, sous la coordination d’une fondation

Système d’innovation pour l’irrigation à petite échelle (Bangladesh)

  • Une organisation de la société civile a lancé une pompe à bas coût pour créer des marchés. Les petits fabricants ont apporté des modifications innovantes au produit pour répondre aux besoins locaux

Système d’innovation pour la production de riz doré (Monde)

  • Partenariat complexe entre multinationales, organisations de recherche agricole, universités et fondations pour le développement. Un ensemble complexe (mais créatif) de dispositions institutionnelles utilisées pour cibler les plus démunis.

Ce que ces exemples ont en commun : La croissance prend son envol tandis que les secteurs sont progressivement confrontés à un certain nombre de défis. La résolution de ces défis a souvent été liée à leur capacité à améliorer l’interaction et les relations nécessaires entre les divers acteurs pour répondre aux défis tels que : respecter les normes de qualité draconiennes, comment rester compétitif, s’adapter aux goûts évolutifs du consommateur, relever les défis technologiques, etc. Tous ces exemples illustrent donc l’importance d’améliorer les relations entre les différents acteurs, de renforcer non seulement l’action collective, le rôle de facilitation et de coordination entre les différents intermédiaires, mais aussi leur base de compétences, et de créer un environnement propice.

Source : Rajalahti R., Hall A., Banque mondiale 2006, Hall et al. 2007.

Le concept de « système d’innovation agricole » (SIA) a été développé pour mieux comprendre comment l’agriculture d’un pays peut faire meilleur usage des nouvelles connaissances et concevoir des formes d’interventions alternatives aux programmes d’investissement dans la recherche. Un cadre conceptuel simplifié est illustré à la figure 1. Ce cadre présente les principaux acteurs (à savoir les prestataires et les utilisateurs de connaissances et technologies agricoles habituels ainsi que les institutions relais/intermédiaires et les acteurs qui facilitent l’interaction parmi eux), leurs interactions potentielles – toutes influencées par le contexte de la politique agricole – et l’ensemble des institutions informelles, les comportements et les pratiques qui appuient ou entravent les processus innovants. Entendre promouvoir les innovations dans l’agriculture implique avant tout la mise en place d’un programme d’appui coordonné à la recherche, à la vulgarisation et à l’enseignement agricoles, le renforcement des partenariats d’innovation et des liens d’interdépendance de la chaîne de valeur agricole et la création d’un environnement propice au développement de l’agriculture.

Figure 1. Diagramme conceptuel d’un système d’innovation agricole

Source : Spielman et Birner (2008); adapté de Arnold et Bell (2001).

Cadres conceptuels. En quoi l’approche des systèmes d’innovation est-elle différente d’une part des efforts consentis par le passé pour renforcer les capacités de la recherche agricole et d’autre part des programmes d’investissement destinés à renforcer les capacités d’innovation ? Le tableau 1 résume les trois principaux cadres, leurs particularités et leurs différences, qui ont contribué à enrichir notre compréhension et à orienter nos investissements dans les systèmes de connaissances et les capacités d’innovation. Dans les années 1980, le modèle linéaire était utilisé pour soutenir la nécessité de renforcer les systèmes nationaux de recherche agricole (NARS) et les investissements visaient à développer les activités de recherche à travers le renforcement des infrastructures, des capacités, de la gestion et du cadre politique d’appui à l’échelon national. Depuis les années 1990, le concept de systèmes d’information et de connaissances agricoles (AKIS) met davantage en exergue les facteurs agissant du côté de la demande. Le nouveau cadre pour promouvoir les systèmes d’innovation agricoles a permis de guider l’approche visant à planifier la production et l’utilisation des connaissances. Il souligne l’importance de développer des organisations efficientes et des liens recherche-vulgarisation-agriculteurs efficaces, et ne repose pas seulement sur les approches NARS et AKIS mais se doit d’inclure les facteurs supplémentaires nécessaires pour permettre aux acteurs de collaborer et de répondre aux besoins (compétences professionnelles, mécanismes incitatifs pour développer des partenariats, amélioration des flux de connaissances, etc.) ainsi que les facteurs propices pour permettre aux acteurs d’innover.

Table 1. The main characteristics of the three main frameworks used in promoting and investing knowledge in agriculture sector.

Particularités NARS AKIS SIA
Acteurs Organismes de recherche Agriculteurs, recherche, vulgarisation et enseignement Large spectre d’acteurs
Objectif spécifique Inventions et transfert technologiques Adoption technologique et innovation Différents types d’innovation
Principe d’organisation Utiliser la science pour créer de nouvelles technologies Evaluer les connaissances agricoles Nouvelles utilisations des connaissances pour le changement social et économique
Mécanisme d’innovation Transferts de technologie Echange de connaissances et d’informations Interaction et innovation parmi les parties prenantes
Rôle des politiques Allouer des ressources, fixer des priorités Lier la recherche, la vulgarisation et l’enseignement Favoriser l’innovation
Nature du renforcement des capacités Renforcement des infrastructures et des ressources humaines Renforcer la communication entre les acteurs en milieu rural Renforcer l’interaction entre tous les acteurs ; créer un environnement propice

NARS = Systèmes nationaux de recherche agricole; AKIS = Systèmes d’information et de connaissances agricoles; SIA = Système d’innovation agricole.
Source : Banque mondiale 2006.

Dans quelle mesure l’investissement dans les capacités d’innovation présente-t-il un avantage supplémentaire par rapport aux investissements (NARS et AKIS) précédemment engagés dans les capacités de R&D agricole ? L’approche basée sur les systèmes d’innovation agricoles se caractérise par les aspects suivants :

  • Mettre l’accent sur les objectifs de développement et la croissance générée par la mobilisation de nouvelles connaissances plutôt que sur le renforcement des systèmes de recherche et leurs résultats.
  • Privilégier les acteurs et les facteurs nécessaires à l’innovation et à la croissance. Tandis que la science est considérée comme une source importante d’innovation, l’approche SIA est un processus qui est un peu moins guidé par la science.
  • Mettre en exergue les innovations résultant d’un processus interactif et dynamique qui repose de plus en plus sur des actions collectives et de multiples sources de connaissances.
  • Mettre en relief l’importance des interactions au sein d’un secteur – elle est plus inclusive et tire parti des ressources des différents acteurs. Par exemple, le secteur privé joue un rôle plus important, les organisations de la société civile et les associations d’agriculteurs jouent un rôle plus actif dans la facilitation des actions collectives.
  • Consolider le rôle du secteur privé et de l’industrie agroalimentaire – les chaînes de valeur constituent une forme d’organisation particulièrement importante dans le contexte des SIA.
  • Mettre en lumière la nécessité de renforcer les capacités d’innovation des différents acteurs, y compris le système d’enseignement et de formation agricoles, de manière coordonnée, et le rôle d’un environnement propice.
  • Enfin, cette approche s’applique dans un contexte spécifique et permet l’identification des opportunités et des contraintes actives. Elle est donc plus adaptée, offre un appui échelonné et permet un plan d’investissement progressif favorable à la phase de développement du pays/territoire/secteur.

Investir dans les SIA à la Banque mondiale
Au fil des ans, la Banque mondiale a investi dans certaines composantes des SIA, notamment dans les systèmes AKIS qui couvrent la recherche, la vulgarisation, l’enseignement et la formation agricoles. La figure 2 illustre les dépenses engagées dans les systèmes AKIS de 1981 à 2008. Alors que les dépenses engagées au titre de l’exercice 2008 se sont élevées à environ 126 millions de dollars EU, les dépenses annuelles peuvent varier entre 100 et 700 millions de dollars EU (Rygnestad et al. 2009). A noter que le niveau d’investissement enregistré début 2000 est associé à la diminution globale des prêts à l’agriculture. Les dépenses limitées dans l’enseignement supérieur agricole depuis le début des années 1990 reflètent une tendance préoccupante (non illustré sur la figure). D’autres analyses ont montré que cette tendance est similaire parmi les gouvernements et les donateurs (Banque mondiale 2008).

Figure 2. Tendances des investissements engagés par la Banque mondiale dans les systèmes AKIS de 1981 à 2008 (estimations).

La revue de portefeuille de la Banque mondiale concernant les systèmes d’innovation agricoles (exercice financier 1990-2006) a montré que les investissements ont déjà évolué vers une approche pluraliste élargie impliquant davantage d’individus, diverses modalités de financement et un appui à la création d’un environnement propice à l’innovation. Cela étant, un certain nombre de défis et de besoins d’améliorations ont été identifiés, eu égard notamment aux capacités d’innovation et à la construction d’un environnement favorable à l’innovation. Ainsi, renforcer les capacités d’innovation implique 1) de renforcer la coordination du secteur et la formation de partenariats à travers l’inclusion effective des organes de coordination et des organismes financiers (banques, caisses de crédit, marchés à terme, opérateurs de micro-crédit); 2) de faire face aux disparités régionales en matière de culture organisationnelle et d’apprentissage (et notamment cibler parmi les acteurs les attitudes qui freinent la collaboration); 3) d’améliorer l’inclusivité à travers le développement durable d’activités de recherche pluralistes et tirées par la demande; 4) de mettre en place des mesures incitatives afin de renforcer les partenariats et la collaboration, plus fréquemment grâce aux modalités de financement, telles que les subventions compétitives, les partenariats public-privé (PPP), les subventions paritaires, les accords relatifs à la participation aux frais et au cofinancement, et grâce au renforcement des dispositions contractuelles; 5) de renforcer la formation et l’enseignement agricoles en augmentant les investissements, notamment sur des aspects comme les capacités d’innovation des organisations et des individus et des cultures organisationnelles; 6) de favoriser l’investissement dans la création d’un environnement propice au développement des entreprises, aux systèmes de connaissances et d’information du marché, et aux réformes politiques et juridiques qui s’imposent (Rygnestad et al. 2007).
Investir dans les SIA – Comment aller de l’avant. Investir dans les SIA requiert une approche intégrée spécifique au contexte capable non seulement de renforcer les capacités d’innovation et les capacités institutionnelles (pas seulement celles des NARS) d’une multitude de partenaires interactifs, mais aussi de construire un environnement propice et de déterminer les priorités et l’agenda du développement agricole et rural à l’échelon national (Rajalahti et al. 2008). Les principaux points à soulever sont les suivants :

  • L’appui à la recherche doit contribuer à développer les relations avec le reste du secteur et de la société ;
  • Les systèmes de vulgarisation doivent être flexibles, orientés vers les besoins et les attentes des usagers, et être capables d’aider à surmonter les problèmes au niveau local – un rôle « nouveau » en tant que courtier de connaissances ;
  • Il est nécessaire d’accroître les investissements dans l’enseignement agricole et de combiner les compétences techniques, socioéconomiques et managériales afin de former un pool de professionnels capables de travailler dans le domaine des SIA ;
  • Organiser et responsabiliser les populations (rurales) et renforcer la coordination du secteur ;
  • Travailler en collaboration avec des organismes privés dans le cadre d’un véritable partenariat gouvernemental et d’investissement ;
  • L’expérimentation institutionnelle au service de l’innovation – ainsi, les approches étape par étape et les phases pilotes contribuent à la création d’institutions aptes à collaborer entre elles et à faire face à diverses situations (adapté de Janssen, W.)

Avant tout investissement, il convient toutefois de considérer un certain nombre de facteurs : 1) Chaque pays ou secteur a atteint une phase de développement qui lui est propre, comme l’illustre l’encadré 2, et requiert généralement des interventions qui concordent avec cette phase ; 2) Les ressources optimales – humaines ou financières – sont rarement disponibles ; 3) Une approche graduelle, étape par étape, est souvent recommandée ; 4) Le découpage des activités peut varier (au niveau du sous-secteur/local, par zone, au niveau sous-régional/national). A ce titre, il convient de hiérarchiser, de séquencer et d’adapter les investissements en fonction des besoins, des défis et des ressources disponibles.

Encadré 2. Les différentes phases de développement et le plan d’investissement en faveur de l’innovation

La figure ci-après décrit deux trajectoires développées sur la base de huit études de cas réalisées dans le secteur de l’agriculture (Banque mondiale 2006). Le système d’innovation orchestré a été stimulé par les interventions du secteur public alors que le système d’innovation guidé par l’espoir de profits futurs a été stimulé par les interventions du secteur privé. Des exemples d’interventions destinées à promouvoir l’innovation sont juxtaposées aux différentes phases de développement.

Pendant la phase pré-opérationnelle du secteur, les nouvelles opportunités n’ont pas encore été identifiées et aucune recherche ou autre intervention politique n’a été lancée. Bon nombre de pays en développement ont atteint cette phase de développement. Au cours de la phase de création, les secteurs et les produits prioritaires ont été identifiés – par exemple en menant des activités de prospective – et les pouvoirs publics apportent leur concours à travers des activités de recherche et la mise en place de dispositifs d’intervention. Toutefois, ces efforts ont souvent un impact limité sur la croissance. Au cours de la phase d’expansion, les autorités publiques s’immiscent dans les projets et les programmes spécifiques afin d’établir un lien entre les acteurs et le système d’innovation.

La phase de démarrage s’apparente à la phase pré-opérationnelle des systèmes orchestrés mais le secteur privé est plus enclin à prendre des initiatives. Les entreprises ou les entrepreneurs individuels ont identifié de nouvelles opportunités de marchés, mais un secteur identifiable n’a pas encore fait son apparition. Nombre de secteurs axés sur le marché se sont développés ainsi. Le secteur prend son envol au cours de la phase d’émergence. On observe une croissance rapide, stimulée par les activités du secteur privé ou des ONG. Le secteur commence à être reconnu par les autorités publiques. Au cours de la phase de stagnation, le secteur est confronté à une pression croissante et évolutive pour innover compte tenu de la concurrence, notamment avec d’autres pays, de l’évolution de la demande émanant des consommateurs et de l’application de nouvelles règles commerciales. Cette situation est la plus communément rencontrée dans le cadre de ces études.
La phase ultime est la phase dynamique du système d’innovation, qui peut être établie avec le type d’appui approprié. Le secteur est caractérisé par un niveau élevé d’interaction et de collaboration public-privé en termes de planification et de mise en œuvre. Il est « agile », capable de répondre rapidement à des priorités émergentes (défis et opportunités) et de promouvoir la croissance économique de manière socialement inclusive et durable sur le plan environnemental. Il conviendrait d’investir dans des activités qui maintiennent cette dynamique.

Source : Rajalahti, R. Adapté de la Banque mondiale 2006.

La pertinence opérationnelle de l’approche SIA est parfois contestée par rapport aux stratégies d’investissement précédemment mises en place (NARS et AKIS). Si l’approche SIA se fonde sur les approches NARS et AKIS, les décisions d’investissement associées à cette approche se manifestent à deux niveaux distincts. Ces « nouveaux » secteurs d’investissement se déclinent comme suit : 1) L’accent est mis sur l’action collective, c’est-à-dire l’organisation des parties prenantes à différents niveaux ; 2) le renforcement de l’interaction, de l’apprentissage et des flux de connaissances au sein des organisations et entre les organisations et les différents secteurs ; 3) l’importance accordée aux objectifs, c’est-à-dire la mise en pratique les idées ; 4) l’inclusion du secteur privé en tant qu’acteur privilégié et innovateur, ce qui implique le renforcement des capacités d’innovation et des mesures incitatives pour tous les acteurs ; 5) des investissements coordonnés ou parallèles dans les facteurs propices. Le tableau 2 ci-après résume les cinq principaux secteurs dans lesquels les SIA se distinguent et proposent de nouvelles stratégies pour promouvoir l’innovation.

Tableau 2. Les principaux secteurs d’investissement supplémentaires associés à l’approche des systèmes d’innovation agricoles (SIA) par rapport au renforcement des systèmes nationaux de recherche agricole (NARS) ou au développement des systèmes d’information et de connaissances agricoles (AKIS).

Investissements/activités Exemples
Actions collectives au niveau des parties prenantes Comités/conseils nationaux de l’innovation
Associations au niveau de l’industrie, de la filière agroalimentaire et du (sous-)secteur, comités ou conseils de coordination
Organisations de producteurs
Renforcer l’interaction, l’apprentissage et les flux de connaissances Campagnes d’information, notamment dans le cadre d’ateliers de consultation/partage des connaissances annuels, plates-formes (de consultation/de planification/d’intégration) de parties prenantes
Plates-formes virtuelles, interface web
Réseaux sectoriels ou industriels
Courtiers de connaissances dotés de compétences et d’outils appropriés
Se focaliser sur les objectifs Unités de transfert de technologie, salons des technologies
Projets pilotes portant sur les nouvelles technologies et les pratiques de partenariat
Formation sur les compétences professionnelles, compréhension des marchés, entrepreneuriat, DPI
Incubateurs de technologies
Fondations technologiques pour le transfert et la commercialisation
Le rôle du secteur privé : acteur privilégié et innovateur Fonds d’innovation, incubateurs, services de rendez-vous d’affaires, etc.
Faibles coûts de transaction – organisation des acteurs
Formation, programmes de stage, programmes université-industrie
Unités pour des services particuliers et la communication
Investissements coordonnés dans les facteurs propices Infrastructures, développement du marché, services financiers, questions réglementaires - DPI, normes, etc.

Source: Rajalahti, R.

However, assessing, designing and investing in AIS in lending operations require a wider set of tools and means (than presented in the summary table 2). These can be divided roughly to five main groups: (i) assessment of AIS; (ii) scoping and coordination activities, (iii) building innovation capacity, (iv) providing incentives for interaction, linkages and innovative partnerships, and (v) complimentary enabling investments. As the scope of the needs and projects may vary, the selection of interventions may be more locally and/or nationally focused (Rajalahti et al. 2007). The activities/investments may include the following (expressed in very broad terms):

Toutefois, une large panoplie d’outils et de méthodes (plus riche que celle présentée dans le tableau 2) est nécessaire pour évaluer, concevoir et capitaliser des SIA dans le cadre des opérations de prêts. Ces outils et méthodes peuvent être répartis schématiquement en cinq groupes, à savoir : 1) Evaluation des SIA; 2) Activités d’exploration et de coordination; 3) Renforcement des capacités d’innovation; 4) Mesures incitatives pour renforcer les interactions, les liens et les partenariats d’innovation; 5) Investissements complémentaires requis. Dans la mesure où l’importance des besoins et des projets peut varier, le choix des interventions se fera davantage au niveau local et/ou national (Rajalahti et al. 2007).

Les activités/investissements peuvent se décliner comme suit (d’une manière très large) :

  1. Il est essentiel d’évaluer l’état d’avancement des SIA, y compris les facteurs clés, les acteurs et les modalités de régulation de l’innovation. Parmi les outils appropriés à cette analyse figurent entre autres le cadre SIA, la matrice ALM (Actor Linkage Matrix), la NetMap Toolbox et des outils de référenciation.
  2. Les activités exploratoires sont nécessaires à l’élaboration d’une perspective commune sur les objectifs et les défis à venir, c’est-à-dire qu’il convient d’identifier les besoins, les opportunités, les interventions prioritaires et leurs limites (par exemple, au niveau des sous-secteurs, du territoire et à l’échelon national). Il est utile de s’appuyer sur une multitude de parties prenantes, y compris des acteurs provenant d’autres secteurs liés à ces activités (via des plates-formes/comités ou des associations de parties prenantes, des groupes de prospective, des exercices de planification et d’analyse de scénarios).
  3. La coordination est essentielle pour assurer la cohérence, la connectivité et l’interaction entre les activités et les acteurs. Parmi les outils les plus appropriés, citons notamment les comités/conseils d’innovation/de secteur, les associations, les comités nationaux d’innovation, etc.
  4. L’organisation des parties prenantes est nécessaire afin d’améliorer les interventions communes et les flux d’information à travers, par exemple, le développement/renforcement des organisations de producteurs et des groupes de développement communautaire participatif, les associations et les réseaux sectoriels/industriels, les conseils transsectoriels, etc.
  5. L’élaboration d’un cadre propice à la production d’idées nouvelles et à la commercialisation fait partie intégrante de la stratégie visant à promouvoir l’innovation. Deux aspects sont à prendre en considération, notamment :
    (i) Renforcer les capacités d’innovation en vue de générer de nouvelles idées/techniques d’innovation et de collaboration (compétences, pratiques, organisations). Il s’agit par exemple de faciliter les échanges en matière de recherche (compétences, unités, connectivité), de réformer les programmes de vulgarisation, pour aligner l’enseignement et la formation agricoles avec les besoins en matière de SIA, les programmes communs université-industrie, etc., le renforcement des compétences professionnelles parmi les différents acteurs (y compris le secteur privé, la société civile, les associations et les OP) ;
    (ii) Faciliter l’utilisation de ces nouvelles capacités à travers la mise en place de mesures incitatives pour renforcer l’interaction, les liens, les partenariats innovants et soutenir la création de nouvelles entreprises. Les exemples incluent notamment la création d’unités spécialisées dans la promotion des entreprises, les fonds d’innovation comme par exemple les mécanismes de fonds compétitifs (pour la recherche)/les subventions paritaires, les services d’appui aux entreprises ou la mise en place d’incubateurs d’entreprises, la promotion des sous-secteurs/grappes d’entreprises, des parcs technologiques et scientifiques, les dégrèvements fiscaux en faveur des entreprises agroalimentaires et enfin une sélection de services d’appui comme par exemple les services de rendez-vous d’affaires, de procédures contractuelles, de facilitation des DPI, TIC, les investissements de démarrage, etc.
  6. Investissements complémentaires propices au développement de l’innovation et des entreprises. Si plusieurs aspects pourraient théoriquement être couverts, il est toutefois nécessaire d’assurer la disponibilité, l’ordonnancement et la hiérarchisation des ressources pour analyser des aspects tels que les infrastructures, le développement du marché, les cadres politiques (par exemple, commerce et investissement, octroi de ressources) et réglementaires (par exemple, normes, biosécurité, DPI, etc.) et les services financiers.

La Banque mondiale s’est engagée à promouvoir l’approche basée sur les systèmes d’innovation agricoles. A ce titre, elle entend non seulement placer cette approche au centre de ses opérations de prêts et développer une méthode analytique – axée sur des ressources ciblées – pouvant servir aux fins de l’assurance de la qualité et de l’amélioration des performances, mais aussi collaborer et interagir avec d’autres acteurs sur ce front.

Références

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  • Lundvall B.-Å. (ed.). 1992. Systèmes nationaux d’innovation : Vers une théorie de l’innovation et de l’apprentissage interactif. Londres : Pinter.
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  • Rygnestad H., Rajalahti R., Ragasa C. et Pehu E. 2009. Systèmes d’agriculture durable, connaissances et informations (SASKI) Revue de portefeuille FY08. Washington, DC : Banque mondiale.
  • Spielman D. et R. Birner. 2008. En quoi votre agriculture est-elle innovante ? Définir des indicateurs d’innovation et des indices afin de renforcer les systèmes nationaux d’innovation agricoles – document de travail ARD n°41. Washington, DC : Banque mondiale.
  • Banque mondiale 2006. Améliorer l’innovation agricole : Comment aller au-delà du renforcement des systèmes de recherche. Etudes économiques et sectorielles (ESW). Banque mondiale, Washington, D.C.
  • Banque mondiale 2008. Cultiver les connaissances et les compétences pour assurer la croissance de l’agriculture africaine : Synthèse d’une analyse menée au niveau institutionnel, régional et international. Etudes économiques et sectorielles (ESW). Département pour l’agriculture et le développement rural, Washington, DC : Banque mondiale.
  • Rapport sur le développement dans le monde 2008. L’agriculture au service du développement. Département pour l’agriculture et le développement rural, Banque mondiale.
30/06/2009